70 lettres à Lucien Jacques

Par les temps actuels où factures en tout genre et publicités de toutes sortes envahissent désormais la plupart du temps notre boîte aux lettres normalisée, il faut que temps en temps advienne un jour vraiment pas fait comme les autres pour avoir la surprise et la satisfaction de l’en découvrir vide à souhait !
Mais, décédé en 1961, Lucien Jacques fit encore pleinement partie, le veinard, de ces générations épistolières de vieille espèce hélas aujourd’hui quasiment réduites à quelques spécimens, dissidents, récalcitrants aux nouveaux modes d'écriture et de communication.
Quantité de lettres restent cependant indemnes du déluge informatique, ce dernier aidant même, parfois, à proprement les sauvegarder.
Il s’agit ici d’un choix de celles adressées de 53 à 57 à Lucien Jacques qui paraît aujourd’hui par les bons soins, fervents et inlassables, de l’Association des Amis.
Lequel Lucien, en dehors de sa riche correspondance, bien plus ancienne, avec Giono débutant – dont, par ses conseils et remarques via ce moyen très pratique, il assura les premiers pas lors de son entrée remarquable en littérature – reçut par ailleurs quantité d’épistoles dont, par bonheur certes – mais peut-être bien aussi par hasard ? –, il en conservera quelques-unes que voilà, mises à l’abri en sa caverne d’Ali Baba personnelle.

Rien de rien, donc, ici, du produit de l’industrie éditoriale actuelle ; en ce volume de lettres, pour la plupart amicales, tout un passé renaît par touches de l’une à l’autre, nous restituant les fragrances, les effluves, comme intactes, d’une époque et des mœurs d’un certain milieu culturel rayonnant depuis le fin fond de la province.
Un tel y parle d’invite ou de retrouvailles, tel autre demande un service, prend et donne des nouvelles, s’interroge ou suscite une réflexion, donne un conseil, s’épanche, s’exprime sur une œuvre, un livre découvert, s'émerveille d'un compositeur...
Pas besoin, alors, pour écrire, de courir après l’inspiration, ni de devoir se confiner, au contraire, dans d’extravagantes et/ou spectaculaires chambres d’écriture comme chacun est chaque année rituellement invité à l'y trouver au cours des Correspondances de Manosque ! Correspondre fait, à part entière, encore partie de la richesse du quotidien, de l’activité  familière – j’allais même écrire domestique ! – à laquelle tout un chacun sacrifie volontiers.
En ces lettres reçues, Lucien Jacques se révèle en miroir ; en effet, on y apprend autant sur lui, sinon plus, que sur l’expéditeur ; assistant ainsi quelque peu, rétrospectivement, mais pourtant comme encore en direct, à une part de son destin à l’œuvre.
Une seule et unique lettre de sa chère amie et poète Lucienne Desnoues en ce volume ; tandis que, si l’on en croit ce que celle-ci écrit, comme en passant, dans une lettre du 30/9/2002 à un autre ami, quantité d’autres missives d’elle à Lucien dorment encore hélas (et fort injustement) quelque part en quelque obscur fonds d’archives…
Vivement, donc, qu’elles paraissent elles aussi au plus tôt !

Une observation, toutefois : l’édition de ce choix de 70 lettres aurait, à mon sens, gagné à être présentée en une solide introduction et, pour faire bonne mesure, comporter aussi l’apport d’un addenda.

André Lombard

Articles connexes :
Lettre à Lucien Jacques
Écrire des lettres

Lucien Jacques au musée Regards de Provence
Desnoues-La Fontaine : douze fables consanguines
Revue Giono. Hors-série Eugène Martel

Collectif, Bulletin numéro 19 de l'Association des Amis de Lucien Jacques, octobre 2022, 165 p.-, 12€
Contact : 149, rue Fontaine vieille, 04800 Gréoux-les-bains ou jacky.michel@sfr.fr

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