Louise Bourgeois et le trou du secret

Si dans ce livre la réalité perd sa substance, sa solidité, sa constante, l'art y gagne au moment où pourtant ses déterminations et sa validité oscillent, où il perd en richesse d’apparat et n'est qu'incertitude.  Par les perturbations l'effet de trouble n'est pas en effet de non-sens,  bien au contraire : Louise Bourgeois cherche toujours les conditions des évènements, des érections (où il n’y a pourtant qu’un trou contre lequel l’artiste frotta ironiquement sa poitrine et ses fesses), des injonctions. Elle opte même lorsque l'objet artistique devient  creux à un ordre de la grandeur.. Ainsi l'art ne dit rien mais parle : il n'est pas mots (art conceptuel ou démonstratif de ce qu'il fait ou n'est pas capable de réaliser) mais noms, il est ce qu'en dit Jarmusch : le nom mort du père pourtant encore nom jusqu'au son pétrifié, jusqu'au silence.
Dès lors ce livre ouvre l'œil du cyclone à  l'œil bandé du cyclope qui dort en nous. Il ne s'agit jamais pour Louise Bourgeois de reproduire du reconnaissable, du simili mais de la re-connaissance, il ne s'agit pas plus d'apparence phénoménale mais d'appartenance. Rien de visible donc ou d'articulable si ce n'est par l'absence, une présence et non simplement son rappel sur un mode au passif, au passé.
Alors à qui poserait la question Qu’est-ce que le sujet dans le travail  de Louise Bourgeois, nous répondrons que le sujet est l’art lui-même. C'est lui qui nous pénètre et non une thématique, un bestiaire ou un quelconque sujet. Il n’y a pas d’autre sujet : l’excès de présence surgit  de l’œuvre, de son auto commentaire à travers la mise en coupe du "père" (non seulement abstraction métaphorique mais parfait salaud) vers la reconstruction d'autres "re-pères". C’est pourquoi ceux qui ont besoin de réduire l'art de l’artiste franco-américaine à un geste  se trompent. 

Jean-Paul Gavard-Perret

Louise Bourgeois, Destruction du père. Reconstruction du père, Editions Lelong, février, 2020, 408 p.-, 27€

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