Les présences de Christian Lapie

Christian Lapie renvoie l’art à la consistance d’un organe monumental et plein – quoique équarri et poli – à travers les matières qui le constituent. Et principalement le bois laissé pratiquement in situ ou déplacé au cœur des immenses cités du monde entier. Il cherche à incarner la corporéité par laquelle la matière travaille la réversion figurale – ainsi que la logique habituelle du repli imaginaire – en transformant le support (bois) lui-même en un véritable lieu morphogénétique sous la forme de totems. 
Émerge une nouvelle condensation de l’image  de nature symbolique mais dans laquelle les symboles eux-mêmes prennent une vision anthropomorphique. Sous l’effet de charge du bois et de ses billots surgit  un espace dans lequel la matière-support devient l’objet de liturgie païenne qui exalte la vie au sein d’une violence qui danse entre la mort et la vie. 
Une telle approche évacue tout maniérisme afin d’extraire un regard dévot qu’on accorde à l'art afin de le remplacer par un regard plus païen vers ce qui à la fois devient nocturne et enflammé. Nous  n’abordons plus l’art à travers une vision muséale. Disséminées dans la nature de telles œuvres  font réfléchir sur la notion même de Temps. L’art n’est plus là pour nous faire passer du fantasme à son reflet imité. 
Il devient avant tout un acte de puissance plus que de jouissance où le temps est arrêté au sein même d’éléments qui en disent sinon sa fragilité du moins son passage. Plus question de trouver le moindre confort. Ce qui jaillit des œuvres semble provenir directement de la matière et non du discours événementiel qu’elles “illustreraient”. Rien d’anecdotique en effet chez l’artiste : émerge une horreur mélancolique  mais aussi une drôlerie en ce que la sculpture possède soudain d'avènementie en une forme d’entente tacite avec la vie. 

Jean-Paul Gavard-Perret

Christian Lapie, Les Confluences Nomades, Biro éditeur, juin 2019, 208 p.-, 39€

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