Des bourgeoises : une galerie de portraits haute en couleur

Qui pourrait au fond en vouloir  à ces  parents  athées mais traumatisés par une enfance libertaire de s’inventer une présence assidue à la messe afin que leur enfant échappe à l’école publique ?
Certes inventer qu’il y a eu des cas de gale à Jules Ferry ; vivre avec la terreur que le groupe de parents d’élèves cathos s’aperçoivent que la mère de la narratrice  de La Sainte Famille circule dans un van hors d’âge avec un autocollant hostile au pape n’est pas des plus glorieux mais bon…

Qui n’a jamais eu honte de laisser sa femme de ménage pallier à sa paresse ou à sa procrastination ?
Qui n’a jamais été coupable de lâchetés minimes pour être intégré dans un groupe ? C’est le dilemme de Tewfik,  mari de Laurine, héroïne  de La migration des crabes, à qui on a promis "une expat’ de rêve" à Dubaï et qui se voit invité à une chasse, à un dîner chez de "vrais" bourgeois, conditions non formulées, mais passages obligés pour prétendre à ce Graal…

Les bourgeoises (et leurs conjoints) d’Astrid Éliard sont parfois énervants, futiles, stupides, méprisants, mais toujours si cocasses, parfois à la limite du ridicule avec leurs mines d’enfants pris la main dans le pot de confiture qu’on leur pardonnerait presque leurs  mensonges. D’autant plus qu’ils ont tous une bonne raison d’agir en anti-héros.

L’auteure appuie là où ça fait mal, pointe les travers de ces familles  un peu cabossées, un peu racistes (on préfère ouvertement les nounous ukrainiennes aux Africaines. L’Arabe Tewfik qui n’a fait qu’une petite école de commerce est adopté facilement dans l’entreprise  parce-qu’à la surprise de tous, il mange du porc et ne pratique pas.
Le bien des enfants, l’argent, une certaine conscience de sa supériorité sociale, que l’on soit nouveau riche, bobo, ou d’ascendance plus ancienne définissent  dans ces petits contes, la classe sociale mouvante et hétérogène qu’est la bourgeoisie.

Chaque histoire est un bijou, une merveille où entre démissions minuscules et grands arrangements avec sa conscience, hommes et femmes se découvrent sous un jour assez peu flatteur mais tellement humain.

Déjà lauréate du Grand prix de la nouvelle,  du Prix Marcel Pagnol, Astrid Éliard offre une galerie de portraits haute en couleur, des situations ciselées, caustiques à souhait.


Brigit Bontour

 

Astrid Éliard, Les bourgeoises, Le Mercure de France, mai 2021, 160 p.-, 18 euros
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