Portrait du poète en Moïse

Olivier Domerg se livre à une poursuite et une pénétration inédites au sein de couches géologiques comme des paysages de la Montagne Sainte-Victoire. Les couches que proposent le livre ne sont donc pas que sédimentaires mais appartiennent à des zones verbales obscures, faites d'arrachements et d'excroissances au sein d'une langue poussée à ses limites. Il semble, portée à ce niveau, qu'elle n'appartient plus à l'auteur mais au paysage qui l'attire dans -une sorte de "folie" forgée de répétitions ou de variations à l’ombre des couleurs de Cézanne.

Il existe là une exploration beaucoup plus périlleuses que celle des alpinistes. Et il est sans doute plus difficile de s'attaquer à la face nord de La Sainte-Victoire  - du moins tel que Domerg le propose - qu'à celle des Grandes Jorasses. La montagne provençale devient plus inviolable que les pics les plus escarpés.
Car il ne s'agit pas de trôner en fier à bras à son sommet mais de la pénétrer pour une connaissance en profondeur non seulement de lui ou de nous mais du rapport que nous entretenons par le langage avec le monde.
Ce coin (perdu) du monde prouve qu'il faut toujours plus de langage pour toujours plus de vision du réel.

De l’assemblage des onzes tableaux sauvés des eaux l’œuvre de Cézanne à la fois persiste, résiste et reste inaccessible. C’est donc aussi autour de cette absence présence que s’organise une promesse. S’agit-il de ramener dans et par le langage quelque chose qui serait enfoui ? Sans doute. D’une part parce que l’œuvre reste difficilement extirpable mais demeure et d’autre part parce qu’il ne s’agit pas de faire de la l’art  une simple clé  qui permettrait d’atteindre une placidité irrécusable.
Elle donne sens mais se poursuit en une présence in abstentia et memento mori.

A nous d’en faire bon usage.

Jean-Paul Gavard-Perret

Olivier Domerg, Onze tableaux sauvés du zoo, coll. "Géopoétique", Atelier de l’Agneau, 2018, St Quentin, de Caplong, 106 p., 16 euros.

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