Le Rhume de Stanislas Lem : coïncidence ou probabilité ?

Et si Don DeLillo avait eu un fils avec docteur House, ce serait à n’en pas douter Stanislas Lem, le grand maître de la SF à qui l'on doit le célèbre Solaris, porté à l'écran par Andreï Tarkovski. Mais ne rêvez pas gentils woke en mal de légende, Lem est Polonais (1921-2006) et cet étonnant roman fut achevé en novembre 1975. On note cet attrait des sciences et des raisonnements alambiqués partagé par les deux écrivains ; et aussi la méthode et le décalage par rapport à ce qui paraît évident et qui cache une autre réalité, théorie développée par l’éminent diagnosticien… un cocktail pétillant à l'arrivée. Et c’est là que toute la magie littéraire opère, car rien ne nous semble démodé – au contraire – et dès la première page on est aspiré dans cet univers décalé qui nous semble si contemporain.
Le narrateur suffoque, c’est l’été à Naples mais il n’arrête pas d’éternuer à cause d’un rhume des foins. Il tente de fixer des électrodes sur sa peau trempée de sueur, branche des antennes qu’il dissimule sous sa chemise et entreprend un périple digne d’un James Bond au rabais dont on devine tout le désarroi. Il faut dire que son métier d’origine est astronaute : deux voyages dans l’espace pour se retrouver à jouer les détectives privés en bord de mer ? Un attentat sanglant à l’aéroport de Rome plus tard et quelques révélations à Paris vont nouer le récit autour d’une trame métaphysique dont le surréalisme des scènes, narrées à la vitesse d’un San Antonio, font que la lecture s’embrase et que l’on tourne les pages toujours plus vite.
Maîtrisé de bout en bout, petit chef-d’œuvre d'absurdité, pimenté de cette folie slave qui flotte entre les mots pour donner le rythme, en clin d’œil à l’affaire de Pont-Saint-Esprit (1951) cet enchaînement superfétatoire d’événements, de cas particuliers, de réactions chimiques qui conduisent à des disparitions en série, révèle l’inépuisable possible qui naît de toute action. Une énigme mathématique qu’aucun ordinateur ne peut résoudre puisqu’il fallait bien que quelqu’un le fasse. Quoiqu’il en coûte, quoi qu’il arrive. Immuable loi de l’univers.

François Xavier

Stanislas Lem, Le Rhume, traduit du polonais par Dominique Sila, Babel, octobre 2022, 210 p.-, 8,40 €

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