Agrégations physiques et mentales de Barbara Polla

Quoique écrite à la première personne du singulier et sans faire forcément grâce au pur romanesque La Favorite  s'éloigne de la simple autofiction pour donner au réel une valeur de légende là où une sexualité débridée résonne à chaque page. Il s'agit dans ce roman  d'une personne qui en aimant les hommes dont elle multiplie les rencontres aime passionnément l'existence. D'où l'échafaudage permanent de conquête multiples et variées mais pas seulement sexuelles de celle qui  se balade dans Paris au plaisir de la vie. 
La Favorite est le nom du bar de la capitale qui a les faveurs (lui aussi) de la singulière en ses divers transports (amoureux mais pas que). Avide de sensualité, de la caresse des hommes, elle le dit sans masque et - en dépit de son féministe - conçoit son parcours de vie comme une pénétration  (pas forcément masculine). Le concept est à entendre plus largement : lui seul permet d'échapper à l’apparent, à la surface, à l’identifiable et à l’acquis. C'est pourquoi un ballet de conquêtes intellectuelles et physiques de cavaliers et cavalières ont alimenté et nourrissent  encore la narratrice au sein d'un récit vif et allègre.

L'héroïne annonce son désir de vivre avec vous à ma manière comme j’aimerais la vie et faire l’amour tous les soirs et faire l’amour ce soir. Mais cet acte n'est pas forcément celui qu'on croit. Le corps aimé est partout. Que les lecteurs voyeurs le comprennent avant qu'il soit trop tard.
Barbara Polla développe en effet dans cette fiction son principe d’existence : oser les rêves à ne jamais distinguer de la réalité, refuser l’hypocrisie comme la honte, pouvoir aussi s’endormir ensemble après l’orgasme, puis recommencer.
D'où cette suite d'expériences passées et présentes. D'un amour de jeunesse pour une professeure de lettres Mademoiselle à sa  fascination pour  la philosophe et psychiatre Anne Fagot-Largeault, les résistants munichois du groupe des Roses Blanches, Benazir Bhutto, un père ami de René Char, des chirurgiens urgentistes et bien d'autres encore.
Le roman avance auprès d'amants qui lui écrivent ou non, là où le raconter reste un acte de résistance dans les rues de Paris comme dans de nombreux voyages où souffle de liberté acquise suite à un long apprentissage et un appétit féroce. Si bien que l'existence ressemble à un éternel printemps.

Jean-Paul Gavard-Perret

Barbara Polla, La Favorite, BSN Press, Lausanne, septembre 2022, 102 p.-, 12€

 

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