Patrick Cothias & Patrice Ordas, "La Rafale", tome 1 "Les rails rouges"

Frédéric Daguet est à Saigon en octobre 1948. Ancien résistant, il a fui la France, écœuré par l’Épuration, les vengeances personnelles, les saloperies... Il travaille comme ingénieur pour la compagnie des chemins de fer Transindochinoise.
La Légion arme et blinde un convoi ferroviaire, baptisé La rafale, pour sécuriser les deux cent cinquante kilomètres de la voie Hô Chi Ming et ravitailler les postes disséminés le long. Elle a besoin des compétences de Daguet et a obtenu, de son employeur, une mise à disposition. Celui-ci, antimilitariste, accepte mal la situation, mais comme il n’a pas le choix...

My Linh, une combattante Viêt-Cong, se prostitue pour espionner les militaires. Cependant, cette obligation la révulse. Mais, le commissaire politique, à qui elle s’en ouvre, la force à continuer, mettant en avant le fait qu’elle doit tout sacrifier pour servir la cause. Elle reçoit pour mission d’aller à Nha-Trang, où se trouve La Rafale, de saboter le train, sinon, de s’arranger pour embarquer et de tuer le plus de soldats possible.

En prenant comme cadre la guerre d’Indochine qui a débuté au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les auteurs reviennent sur un conflit douloureux, dont les français ne sont pas sortis glorieux. Ils mettent la Légion en avant, le régiment du 2e Étranger, le fonctionnement et l’état d’esprit qui y régnait. Refuge de soldats perdus des conflits précédents, ceux-ci placent le combat avant toute autre considération et montrent que le passé, les nationalités, les idéologies importent peu quand il faut survivre en comptant sur les autres. Les scénaristes illustrent cette solidarité du combat, solidarité imposée par la situation.


Ils évoquent, en quelques mots, en quelques scènes bien choisies, les exactions de l’épuration, l’écœurement qui s’en est suivi pour les combattants de la première heure, l’enthousiasme, voire l’inconscience des jeunes résistants face à des troupes bien entraînées, le rôle des américains dans l’évolution du conflit indochinois. Ils montrent aussi comment s’installe la haine face à la lâcheté et l’ignominie de français profiteurs.


Les auteurs prennent en compte tous les éléments qui entourent une armée en campagne, les rapports avec les femmes, avec les autorités civiles. Avec Daguet, les auteurs tiennent le trublion idéal qui permet de mettre en lumière les apparentes contradictions, les possibles dysfonctionnements.

Les scénaristes offrent, avec ce premier tome, une histoire parfaitement documentée, un récit solide qui se lit avec plaisir.


Il est mis en images par Winoc qui signe un dessin réaliste, empreint d’un certain classicisme. Toutefois, le dessin est inégal, des vignettes sont parfaitement réussies, avec des personnages bien campés, des décors bien restitués et d’autres où les perspectives sont raccourcies et le dessin presque fruste.


Prévue en trois volumes, cette série débute avec un récit prenant, accrochant l’attention dès la première page.


Serge Perraud

Patrick Cothias & Patrice Ordas (scénario), Winoc (dessin), Nadine Voillat (couleurs), La Rafale, tome 1 "Les rails rouges", coll. "Grand Angle", Editions Bamboo, janvier 2012, 48 p. - 13,90 €

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