Lizano adapte Leblanc, mais "l'Île aux 30 cercueils" aurait mieux fait de rester dans la tombe de l'oubli...

Jusqu'à présent, chez Soleil, la collection Noctambule avait toujours tenu, à peu ou prou, ses promesses d'excellence ! La Marche du Crabe entraîne, avec A bord de l'étoile Matutine et Le Joueur, le lecteur dans des univers exceptionnels aux ambiances magiques.

Hélas, cette fois-ci, il n'en sera pas de même. La collection est une passerelle entre roman et bande-dessinée. Elle adapte principalement des chef-d’œuvre de la littérature. Ici, ce fut le cas, L'Île aux trente cercueils de Maurice Leblanc prit vie sous le crayon de Marc Lizano. Enfin, prit vie... Il se trouve que c'est plutôt une histoire sanglante où tout le monde meurt de manière excessivement violente.

 

Véronique cherche en effet à rejoindre son fils qu'elle a eut avec un polonais, le comte Alexis Vorski. Le bébé fut enlevé par le père de la belle qui ne cautionnait pas le mariage. Mais il mourut alors qu'il emportait le nourrisson le long des côtes italiennes. La mère endeuillée partit, comme doit le faire toute mère endeuillée, dans un couvent. Mais quatorze ans plus tard, la dame découvre dans un film sa signature sur la porte d'une cabane d'un des décors. Elle engage alors un reporteur, sans savoir que suivre cette piste sortie de nulle part reviendra à ouvrir une rivière de sang sur une île perdue au large de la Bretagne...

 

Force est, malheureusement, de constater que l'ouvrage est peu réussi. Si le dessin n'est pas trop mauvais, la narration laisse vraiment à désirer. Le lecteur est obligé de se pencher, dès l'ouverture, sur une page type journal avec une police petite, dure à lire facilement. Après cette première page d'introduction, la suite semble prometteur avec un effet de mise en abyme intéressant et réussit. Mais hélas, très vite, l'auteur retombe dans ses travers, perd son lecteur et le démotive dans sa lecture lorsque commence le passage – qui coupe totalement l'histoire et le rythme du récit – des lettres de Véronique à son fils... Notons que ces lettres disposent, elles aussi, d'une police illisible, de ratures dérangeant à la lecture, etc.

 

Ce ne sont là que deux exemples mais rajoutons à cela que le scénario est en partie absurde et que les mystères s'éclaircissent de manière peu intéressantes (il faut cependant incriminer Maurice Leblanc et non Marc Lizano).

Pour faire simple, L'Île aux trente cercueils est l'ouvrage que la collection Noctambule devra cacher. Dommage...

 

Pierre Chaffard-Luçon

 

Marc Lizano, L'Île aux 30 cercueils, librement adapté du roman de Maurice Leblanc, Soleil, novembre 2011, 17,95 €

4 commentaires

Je suis ravie de lire que les "critiques" ne sont pas forcément dithyrambiques, un point de vue sincère que je ne peux que saluer.

PCL

Je pense qu'il faut savoir défendre un bon livre et attaquer un moins bon. Après, retenons que la critique est subjective : ni moi ni personne - je pense - sur le salon ne peut prétendre à proclamer la vérité...
Il y a toujours un jeu, dans la critique négative comme dans la positive, visant à faire de belles phrases. Mais cependant il ne faut jamais oublier que l’œuvre reste le fruit du travail d'un auteur. Et, rien que pour cela, rien que pour cet acte de création, il faut lui dire "chapeau".

Même si parfois, dirai-je avec humour, il aurait été mieux qu'il s'abstienne...

Je suis entièrement d'accord. 

Mais la critique peut également avoir un effet inattendu. Aujourd'hui, je n'ai qu'une envie, vérifier ce point de vue et le comparer au mien, justement par respect du travail fourni et parce que j'ai bien conscience que tout n'est que subjectivité.
Je saluais surtout la démarche de ne pas encenser toute production, ou de le faire en demi-teinte.

Lire un véritable avis, bon ou mauvais, qui forcément nous influencera d'une manière ou d'une autre, tout au long des différentes lectures. Ils deviennent alors des jalons, des indicateurs sur lesquels on peut s'appuyer... ou pas, selon les affinités que l'on aura décelé chez les auteurs.

PCL

Alors je n'ai plus qu'à attendre, avec plaisir, votre retour sur cette lecture !