Uderzo l'Intégrale I : 1941-1951

Une mine de crayons

A l’occasion de la sortie  en salles d’Astérix et Obélix au service de sa majesté, il est bon de rappeler que le succès mondial du Gaulois doit beaucoup à l’immense talent d’Albert Uderzo. 

Quand j’étais gamin, je passais si ce n’est des heures au moins de longues minutes à décortiquer certaines de ses images, tant j’étais fasciné. Les décors de Rome me firent, entre autres, rêver. Parfois, quand je reprends un album, je retrouve cette émotion et m’attarde à nouveau sur certaines cases. 

Uderzo est un très grand dessinateur, c’est une évidence. Tellement évident que plus personne ne songe à la rappeler. Si j’assène cette vérité ce n’est nullement en tant que spécialiste de la BD, que je ne suis pas, mais parce qu’à l’occasion de documentaires sur les aventures d’Astérix en dessins animés j’ai interviewé une vingtaine de dessinateurs, dont des pointures. Tous, sans exception, ont loué le travail d’Uderzo, le considérant comme un « maître » et tous ont rappelé que reproduire ses dessins tenait de l’impossible (le plus dur, affirmèrent-il, étant de faire des chevaux aussi beaux que les siens !). Ce n’est pas seulement en raison du triomphe d’Astérix que certaines planches originales d’Uderzo se vendent des centaines de milliers d’euros mais parce qu’il est un grand. Et parce qu’il ouvrit une route, de manière bien moins ostentatoire qu’un Hergé.

J’ajoute, sans que cela n’ait aucune relation de cause à effet, qu’Albert Uderzo est un homme charmant, toujours disponible et souriant que les millions d’exemplaires vendus d’Astérix (plus les films, plus les produits dérivés !) n’ont rendu ni outrecuidant ni donneur de leçon. Sa modestie est touchante.

Il était temps qu’un (épais) ouvrage vienne rendre hommage à son travail. Or ce ne sera pas UN ouvrage mais SEPT ! Tant sa production fut importante. Il faut dire qu’il publia son premier dessin à l’âge de quatorze ans et n’a jamais arrêté depuis. 

Alain Duchêne, auteur de cette impressionnante intégrale (épaulé par Philippe Cauvin), a effectué un travail gigantesque. Non seulement il a été recherché des dessins disséminés dans le monde entier ou enfouis sous des tonnes d’archives mais, de plus, il les a « nettoyés » numériquement pour leur restituer toute leur fraicheur. Il faut dire qu’il est passionné par son sujet et, par la force de son entêtement et la qualité de son travail, s’est imposé comme « le » spécialiste français de l’œuvre d’Uderzo. Il a déjà signé une importante biographie illustrée aux Editions Le Chêne. 

Ce premier volume porte sur la période 1941 – 1951 et compte plus de 400 pages fourmillant de dessins. Le résultat est impeccable. Et époustouflant.

Je salue au passage les éditions Hors Collection pour avoir eu le courage de se lancer une telle aventure.

Rarement un livre a aussi bien porté son titre. Il s’agit bel et bien d’une Intégrale puisque tous les dessins d’Uderzo y sont reproduits. On découvre ainsi qu’avant de s’attaquer à Astérix, notre super-héros gaulois, Albert a adapté, et dessiné, en français les aventures de Captain Marvel Jr !

Ce livre présente l’avantage de ne pas être didactique. Suivant l’adage qu’un bon dessin vaut mieux qu’une mauvaise explication, il évoque le parcours d’Uderzo sans insister sur sa façon de tenir le crayon (mais rappelant qu’il a toujours été daltonien !). 

Albert Uderzo

Il suffit de tourner les pages pour comprendre son évolution graphique. Très rapide car, en quelques années, Uderzo acquit une maitrise qui ne fit que grandir. L’ouvrage se termine sur les pages tirées de France-Dimanche, sans doute les plus passionnantes. Quand on sait qu’Albert dut les exécuter dans l’urgence et quand on voit le résultat on en reste baba. La précision du trait était telle qu’elle valut au dessinateur un procès ! Après avoir narré par le menu « les méthodes de Dellapina, gangster mondain », il fut poursuivi, et condamné, pour « incitation au vol » car ses schémas indiquaient avec précision comment cambrioler une maison !

1941-1951 c’est donc bien avant Astérix (né en 1959). C’est une pléthore de personnages (Arys Buck et son épée magique, prince Rollin, Belloy l’invulnérable, Zartan l’homme macaque, Watoki le valeureux, etc.) C’est aussi une plongée dans la bande dessinée d’une certaine époque qui, rappelons-le, était uniquement destinée aux enfants et, de ce fait, soumise à une censure draconienne. 

Les autres albums suivront (le deuxième est en cours de fabrication) et constitueront autant de pierres précieuses pour la construction d’un monument en hommage à Uderzo ! Qui en sera rouge de confusion. 

Philippe Durant 


Albert Uderzo, Philippe Cauvin, Alain Duchêne, Uderzo l'intégrale, I : 1941-1951, Editions Hors Collection, octobre 2010, 420 pages, 69 euros


A noter que jusqu’au 28 octobre 2012, se déroule à Paris une exposition « Uderzo, chronologie d’une œuvre » (Galerie Oblique, Village Saint-Paul, 17 rue Saint-Paul 75004)

3 commentaires

un nouveau dessinateur pour Asterix et Obelix !

Ce qu’on aimerait savoir c’est : est-ce qu’ils vont faire une édition correcte de Tanguy et Laverdure ???

 

Toutes les éditions en album jusqu’à ce jour sont horribles !!!

 

Une édition correcte, c'est-à-dire : chaque fois que c’est possible : en partant des originaux (encre ET couleur… Sauf pour les tout premiers, où la couleur est entièrement à refaire…).

 

Si les originaux ne sont pas disponibles : scanner les pages de Pilote, qui sont 10 fois plus belles, et complètes, que tous les albums !!!

 

Et bien sur : au GRAND FORMAT Pilote des premières années !!! 

 

Voilà, par-dessus tout, ce que j’attends d’une Intégrale Uderzo digne de ce nom…

L'intégrale parue chez Dargaud ne répond-elle pas à ces critères ?