Personne ne me fera de mal : une tragi-comédie sur la solitude, l’indifférence et la misère sociale.

 En dix-neuf tranches de vie, Giacomo Monti explore un quotidien d’une banalité éprouvante. Il croise, dans une ville anonyme, les destins d’une poignée d’individus ordinaires, dans une atmosphère maussade. Il les capte dans un instant, dans une situation, saisi leurs attitudes, leurs réflexions. Il n’y a pas de joie, pas de passion chez les acteurs de l’auteur. C’est l’examen froid, clinique, d’une existence sans avenir. Il fait, avec l’un de ses personnages, le constat suivant : « J’étais un garçon plein d’avenir… J’étais bon à l’école… J’avais de bonnes notes… et pourtant j’ai atterri ici, au Bingo. »

L’introduction d’extraterrestres ne suffit pas à secouer toute cette monotonie. Il fait suivre le récit de leur arrivée à travers trois personnages qui, en fait, ne s’intéressent qu’à leurs relations, mettant l’événement en un dernier plan.

Désespérantes, mornes, sans reliefs telles sont ces scénettes, une succession de tranches de vies : une recette de cuisine, un chat écrasé, une rencontre avec sa grand-mère, une histoire sur le port de la chemise, sur l’enterrement d’une vie de garçon…. Il décrit des rencontres, des actes charnels sans plaisir, sans sentiments et une asthénie qui casse les rêves.

L’auteur prolonge son propos et montre l’insignifiance, le côté dérisoire d’une vie et de ce qui la compose. Il évoque les espoirs que porte la jeunesse, les désillusions de l’âge adulte, l’abandon d’illusions pour une triste réalité.


Cette succession de scénettes débouchent sur un fantastique qui est lui-même banalisé, rendu à une dimension insignifiante. L’arrivée d’extraterrestres ne dérange pas plus que cela le parcours de personnages, ceux-ci restant quasiment insensibles à l’événement. La dernière séquence, qui donne son titre à l’album, est particulièrement significative. Un « must » dans le genre !

Giacomo Monti porte sur la société un regard à la Louis-Ferdinand Céline, pointe la petitesse d’une existence, son peu d’importance.

 

Ces situations sont mises en images de façon minimaliste, avec des graphismes en noir et blanc, des personnages qui se ressemblent, qui sont presque interchangeables, sans expressivité.

 

Un album qui a séduit un cinéaste, lui inspirant le long métrage L’ultimo terrestre (du titre d’une scénette) présenté à la 68e Mostra de Venise en 2011.

 

Avec Personne ne me fera de mal, Giacomo Monti pousse à une étrange mélancolie, mais surtout à une interrogation cruelle, néanmoins salutaire, sur son propre fonctionnement et sur celui du microcosme dans lequel on évolue.

 

Serge Perraud

 

Giacomo Monti, Personne ne me fera de mal, Rackham, coll. Le Signe noir, août 2012, 160 p. – 20 €.

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