Bertrand Tillier, "Napoléon, Rude et Noisot, histoire d’un monument d’outre-tombe"

 

La fidélité du grenadier à l’Aigle


Etonnant personnage que Claude Noisot ! 

L’histoire l’aurait définitivement oublié, comme tant de soldats dont le nom est effacé des mausolées qui servirent Napoléon si plus qu’aucun autre, il n’avait voué à l’empereur un culte inconsidéré ! Certes héros anonyme des batailles d’Essling, de Wagram, de Champaubert, rejoignant les volontaires qui partent pour l’île d’Elbe au lendemain des adieux de Fontainebleau, blessé, médaillé, Noisot pouvait prétendre à se retirer dans sa Bourgogne natale et raconter ses campagnes. Mais, « étourdi, impétueux, dévoué, brave », son culte envers le vainqueur d’Austerlitz le pousse à recueillir indirectement et sans qu’il le cherche vraiment une part de la gloire impériale. Revenu à la vie civile, viticulteur, propriétaire foncier, conseiller municipal, intrépide gestionnaire d’un terrain qu’il aménage comme il avait vu faire son dieu autour de Portoferraio, il ne vit que dans le souvenir de son honneur de combattant et n’existe qu’en tant que gardien de l’image du triomphateur. Il confie à son ami François Rude (1784 - 1855) le soin de sculpter une statue représentant Le Réveil de Napoléon à l'immortalité. Cette statue se trouve actuellement tout près de Fixin, sur les hauteurs qui dominent les vignobles de Côte-de-nuits-villages. L’artiste comme le grognard étaient habités par une sorte de « fétichisme bonapartiste » qui, achevée la légende depuis le retour des cendres de Saint Hélène, n’était plus guère dans l’air du temps. 

Mais il y avait encore des fidèles, des inconditionnels de l’empereur. La ténacité de Noisot, ses états de service, ses moyens, lui permirent de mener à bien ce projet grâce à son association avec l’auteur du Départ des volontaires.



 

Si le monument n’est pas vraiment cet « apothéose pleine de conviction » que loua la critique, il n’est pas sans grandeur. Enveloppé du manteau de Marengo, couronné de lauriers, Napoléon a le visage serein et ferme de celui qui s’éveille à l’éternité de sa renommée. Un aigle terrassé se dégage à moitié des plis de bronze. La statue fut inaugurée le 19 septembre 1847. Noisot dans son élan, fit un discours de tribun avec les mots des proclamations qu’il avait entendues au lendemain des victoires. Il mourut 14 ans plus tard, âgé de 73 ans. Un buste à sa mémoire a été élevé dans le même parc, mais sans que son nom apparaisse. L’oubli pour mieux rappeler la fidélité !   

 

L’auteur s’est passionné pour la genèse de cette entreprise méconnue. Il ressuscite à son tour un homme plein de ferveur pour un Napoléon dont l’aura devait tant pâlir, mais qui dans l’esprit du demi-solde Noisot et du sculpteur Rude ne disparaîtrait jamais grâce au pouvoir de l’art. Cet ouvrage constitue l’heureuse découverte d’une étroite mais émouvante page d’histoire et une invitation à visiter le parc où repose le valeureux conscrit de la Garde.

 

Dominique Vergnon


Bertrand Tillier, Napoléon, Rude et Noisot, histoire d’un monument d’outre-tombe, 40 illustrations, 150 x 240, Les Editions de l’Amateur,  "Regard sur l’art", septembre 2012, 176 pages, 18,00

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