Matthew Thomas, Nous ne sommes pas nous-mêmes : La puissance de l'amour

Voilà un premier roman qui nous parvient de New York précédé d’un immense buzz : droits d’auteur stratosphériques, empoignades aux enchères parmi les éditeurs européens, adaptation ciné dans la foulée. Un jeune professeur dans un collège privé de New York, Matthew Thomas, aurait écrit LE roman du XXIe siècle, un futur classique sur huit cents pages. Bigre, voilà de quoi nous hâter d’ouvrir ce pavé imposant ! 

 

Nous faisons donc la connaissance d’Eileen, petite fille anxieuse, dont le père, Big Mike Tumulty, est l’idole de son quartier pendant que sa mère s’alcoolise sur son canapé, après une fausse couche. Ces Irlandais, pauvres au départ, le resteront jusqu’à leur dernier jour. Et pour Eileen, doté d’une farouche ambition et d’un besoin viscéral de progresser, ceci n’est pas acceptable. Elle devient infirmière, mannequin occasionnellement, rencontre Ed Leary, un homme posé, scientifique reconnu qui va l’aider à devenir cette femme indépendante qu’elle souhaite devenir.

 

Mais à 50 ans, alors qu’une certaine aisance matérielle est à portée de main et que l’Amérique semble encore la terre bénie de la classe moyenne, Ed commence à avoir un drôle de comportement. Est-il aigri, dépressif, violent ou les trois à la fois ? Sa crise existentielle cache-t-elle quelque chose de plus sombre ? Si nous ne sommes pas nous-mêmes quand la maladie frappe, l’auteur pose une autre question : qui sommes-nous alors ?

 

Le personnage d’Eileen, sorte de Mère courage qui cherche à garder le contrôle de sa vie quand tout s’écroule est inoubliable, tout comme le portrait dressé de soixante ans d’histoire américaine. On n’oubliera pas la famille Leary et cet amour indéfectible qui les lie.

 

Pour un premier roman, ce livre est plus qu’une belle surprise. On le classe déjà dans la lignée d’un Jonathan Franzen, qui distille par son écriture élégante et sensible un charme et une véracité indéniable.

 

Ariane Bois

 

Matthew Thomas, Nous ne sommes pas nous-mêmes, traduction de Sarah Tardy, Belfond, janvier 2015, 790 pages, 23 € 

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