Gwen Edelman, "Le Train pour Varsovie", dépasser l’innommable

Dans les années quatre-vingt, Jascha, un écrivain vivant à Londres et sa femme Lilka sont invités à Varsovie par La Maison des écrivains pour une lecture.

Tous deux, survivants du ghetto sont partagés à l’idée de retrouver la ville de leur jeunesse. Si Lilka est enthousiaste, son mari est beaucoup plus réservé.

Bien qu’ayant construit leur vie en Grande Bretagne, ils s’y sentent étrangers : « Même après quarante ans, Londres m’est aussi étrangère que la face cachée de la lune » affirme-t-elle, alors qu’elle rêve sans cesse de Varsovie. Lui de son côté a conscience que la ville de jadis n’existe plus, que tout a été brûlé, détruit, que « Varsovie est une morgue ».

Parvenant à le convaincre, le voyage se déroule dans un paysage de conte de fées à travers les champs recouverts de neige, mais l’arrivée dans la ville « aux lumières communistes » est un crève-cœur.

Après être restés enfermés dans l’hôtel dont ils n’osent pas sortir, les souvenirs de leur enfance heureuse d’avant la guerre se mêlant à ceux, terrifiants du ghetto où régnaient la misère, la faim, la mort mais aussi l’amour fou.

Des questions jamais résolues font surface : comment le grand père de Lilka a-t-il pu réapparaître dans le périmètre maudit dont personne ne pouvait ni rentrer ni s’évader ? Qui était l’ami de sa mère ?

Il leur aura fallu ce voyage pour qu’enfin, ils se révèlent l’un à l’autre dans un jardin glacé.


A travers ce voyage du souvenir, Gwen Edelman affirme sa connaissance de la Shoah et parvient grâce à ses deux personnages à restituer l’horreur du ghetto de Varsovie comme si elle y avait vécu, ce qui n’est pas le cas. Dans une sorte de huis-clos, elle célèbre l’amour qui permettait de tenir et d’oublier l’horreur.

Avec une force tranquille et sûre, elle réussit grâce à ce roman situé entre passé et présent à dépasser l’innommable.


Brigit Bontour


Gwen Edelman, Le Train pour Varsovie, traduit par Sarah TARDY, Befond, 183 pages, 17 €


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