"Yaak Valley Montana", Sombre et lumineux, violent et tendre

Au fin fond du Montana, un assistant social, Pete Snow combat la misère sous toutes ses formes. Dans des familles explosées où il arrive qu’une mère défoncée depuis toujours, viole son fils, il tente l’impossible, ne plaçant les enfants qu’en dernier recours. Dans ce monde où la précarité est reine, où l’on vit dans des maisons en carton, des mobil homes de fortune et où l’alcool tient lieu de réconfort et de seul ami, il se démène comme un diable pour apporter un semblant d’humanité aux enfants meurtris, ballotés de foyers en foyers, parfois battus ou gravement malmenés par des parents qui n’en ont que le nom.  Il comprend d’autant plus le mode de vie des white trash du coin que lui-même est loin d’être un parangon de vertu. En instance de divorce, sa femme est partie au Texas avec Rachel, leur fille de 13 ans. Instable, elle boit trop, invite des gens peu recommandables jusqu’à ce que Rachel fugue pour de bon et finisse par se prostituer. Ce qui pour un assistant social est un beau ratage. Sillonnant le pays pour retrouver la jeune fille, il boit lui aussi comme un trou et n’hésite pas à faire le coup de poing à l’occasion.


S’imaginant avoir vu toutes les perversions, tous les malheurs humains dans ce coin d’enfer terrestre,  il semble revenu de tout : "En matière de déviances sexuelles, plus rien ne l’étonnait."


C’était pourtant  sans compter sur sa rencontre avec Benjamin Pearl, un enfant encore plus chétif, démuni et misérable que les autres. Benjamin, atteint de scorbut (en 1979) survit avec son père, un survivaliste complètement allumé, désocialisé pour qui la fin du monde est pour demain. Subsistant de chasse et de pêche, dans la nature somptueuse de l’ouest américain, il  rejette totalement la société, soins, ou aides quelconques, allant jusqu’à lutter contre la monnaie en perçant des dollars d’une façon plutôt artistique qui intéresse les collectionneurs et le FBI.


Les autorités, en effet recherchent Pearl qu’elles soupçonnent  en plus de ses activités de faussaire, d’avoir tué sa femme et cinq de ses enfants, tandis que Pete Snow, devient de plus en plus proche du marginal dont il comprend les failles et met à jour le lourd secret.

 

Dans la lignée des œuvres de nature writing de  Jack London ou Jim Harrison ce premier roman est un coup de poing magistral. Sombre et lumineux, violent et tendre, il éblouit par son ampleur et son souffle, sa parfaite maîtrise des rebondissements. Aucun des ses personnages n’est monolithique : Pearl n’a pas toujours été l’illuminé asocial des grands espaces qu’il est devenu, Snow   n’est pas le modèle de tempérance et d’équilibre que l’on peut attendre d’un travailleur social. Avec sa fille en fuite, son frère qui sort de prison pour y retourner, sa femme aussi alcoolique que lui, il est avant tout humain. Souvent proche de basculer lui aussi dans la violence, la folie ou la dèche qu’il combat au quotidien.


Salué par la critique américaine, Yaak Valley, Montana qui manqua de peu le Prix du festival du film américain de Deauville cette année est l’un des grands livres de la rentrée aussi magistral et dérangeant que Le Fils de Philip Meyer qui lui, fut couronné par ce même prix en 2014.

 

Brigit Bontour


Smith Anderson, Yaak Valley Montana, traduit de l'Anglais (USA) par Nathalie Perrony, Belfond, août 2016, 500 pages, 23 euros

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