L'invitation

Entre Ben et Martin, c'était à la vie à la mort. Depuis leurs quinze ans, depuis que le premier, fils d'un pair de Grande Bretagne était venu en aide au second, l'orphelin élevé par une mère aux horizons étroits. Vingt cinq ans durant ils ne se sont pas quittés. Tous deux se sont mariés. Ben avec une parfaite héritière, Serena, Martin avec une discrète journaliste, Lucy. Ben qui a décuplé la fortune familiale s'apprête à devenir parlementaire. Martin a connu le succès avec un livre iconoclaste sur l'art. Lui qui avait été adoubé par la famille de son ami au point de passer toutes les vacances en leur compagnie, ne s’est en fait jamais départi de sentiments très ambigus à son égard. Il est surnommé PO, Petite Ombre. En toute amitié.

Le soir des quarante ans de Ben dans le somptueux presbytère qu'il vient d'acquérir, la situation bascule. Comme s'il était temps pour les deux amis de faire le point. Lors de la fête démesurée, qui n'est pas sans rappeler celles des héros de Fitzgerald, les masques tombent. Le lendemain de la réception, Ben est à l'hôpital, Serena dans le coma, Lucy internée. Martin quant à lui, est interrogé par la police qui s'intéresse au déroulement de la fête, mais remonte beaucoup plus loin dans le passé des deux comparses. Plus précisément à un accident de voiture survenu vingt deux ans plus tôt, dans lequel une jeune fille avait été tuée.

Habilement construite, l'histoire débute par le jour d'après, quand tout a été mis au jour : l’ambivalence entre les deux garçons, leur passé dans lequel, ni l'un ni l'autre n’est parfait : si Martin a réellement aidé son ami lors d'un moment critique, il avait auparavant intrigué pour pénétrer dans son entourage selon les préceptes de l'Art de la guerre !

Aussi épris de son mode de vie que de sa personne, il n'a depuis toujours que le souci de lui plaire, de lui ressembler, tout en le manipulant de façon plus ou moins délibérée.

Le roman repose sur des non-dits : De la même façon que tous avaient remarqué depuis le lycée les penchants de Martin pour Ben mais que personne n'en parlait, la mort de l'adolescente était passée sous silence.

Tout chez Elizabeth Day est à la limite du conscient, de l'indicible. Les personnages n'ont rien de totalement cynique ou de négatif. Le désir de briller avec des fêtes époustouflantes, un entourage de people, va de pair avec celui d'intégrer la vie politique, de s'acheter une conduite et semble chez eux, un accomplissement naturel.

Seul problème : il faut pour être élu, être irréprochable et quand on l'est pas, la tentation de faire table rase du passé, en éloignant les témoins gênants est grande. Ce qui n'est pas la meilleure des solutions, car si la volonté de réussir est universelle, celle de se venger ne l'est pas moins et l'auteur emmène le lecteur loin, très loin dans une énigme, à la mesure du Maître des illusions.

Brigit Bontour

 

Elizabeth Day, L’Invitation, Belfond, mai 2018, 532p.-, 21 euros

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