Jean-Pierre Schneider le minimaliste détonant

Se soumettant à l’incoercible absence de rapports entre la nature et l'art, Jean-Pierre Schneider représente au mieux l’artiste "idéal" qui écarte l'exercice de la peinture de toute tendance réaliste. Il impose parfois des chevelures éparses qu’il ne cesse d’épouiller et de réduire à quelques fils. La « réflexion » s’y brise. La peinture détruit, efface mais aussi recommence, produit. Tout naît parce que ça meurt. Sur le « drap » du support la problématique d'épuisement ressource  la peinture dans l'espace du blanc. Il devient le fondement de l’intervention plastique en forme la ponctuation exaspérée du silence au moment où quelques lignes se concentrent non pour une expansion mais une contraction qui pour autant n’a rien de resserrée, de réductrice. Un minimaliste très particulier provoque l’apparition la plus sensible de ce qui récuse dans la peinture tout ce qui ne lui appartient pas.


Pour Schneider l'art ne doit pas laisser surgir un monde, mais une présence  ostensiblement absente par les effets de matière et les traces irréversibles libérées des contraintes spécifiques de la spatialité picturale admise.  Le peintre ne cherche pas à provoquer une hallucination mais l'accession à une forme de littéralité. Elle permet de toucher en des lieux inconnus de l'être où il n'existe presque plus d'image possible. Pour l’atteindre  sont retirés  toutes surcharges rhétoriques et effets de métaphores. Ne subsistent que des pans soustractifs, quelques lignes afin de donner au regardeur l’impression non de se situer devant l’image mais  "au-dedans", au milieu d’espaces d’outre-tombe. La certitude de l'expression semble un acte presque impossible mais toutefois l’artiste refuse le chemin du retour à la vieille naïveté de la représentation comme à la tentative de vivre sur des pays conquis. Il s'oriente en une voie qui bifurque dans l'absence de rapport (si ce n’est celui de la peinture avec elle-même)  et dans l'absence d'objet. La certitude étant une illusion, l’œuvre ne cherche pas de stabilité concrète et reste  hantée par la difficulté d'obtenir quelque chose de solide au sein de sa "quintessence statique".


Jean-Paul Gavard-Perret


Jean-Pierre Schneider, Corpuscules, texte de Bernard Chambaz, Editions Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 20 pages, 30 exemplaires, 750 €

 

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