Bernard Noël : phénoménologie de la perception

A travers le regard, et paradoxalement, le réel échappe en se transformant en image. Elle le disjoint, le nimbe d'une attente lesté de désir. En quelque sorte la perception devient l'anti-chambre du notre manuel mental d'interprétation.
Elle extrait le réel en le poussant vers des postulations flottantes en des suites de bémols visuels : il conviendrait de faire l'effort de ne pas voir seulement ce qu'on aime. Mais est-ce possible ?

Néanmoins, au prix du risque d'abandonner ce que nous connaissons nous pouvons aller vers l'encore et découvrir ce qui n'appartenait jusque là qu'à un aveuglement crispé.
L'image est souvent ce que Noël nous rappelle : une consommation à reculons du nostalgique, car nous n'avançons qu'à rebours et, rappelle l'auteur, un tel volte-face induit à une sorte d'adossement à la mort.

Certes l'image et son approche ne doivent pas nous enfermer. Mais pour qu'elle ouvre il faut faire l'effort de nous dégager de notre "esprit de programmation" et oser la surprise.

 

Dès lors chaque nouvelle rencontre du réel peut devenir une nouvelle histoire mais ce qui compte c'est de trouver une nouvelle passerelle, un nouveau coup de foudre. L'auteur ne nous donne pas la clé: il fait mieux en réanimant le fonctionnement du processus de notre machine programmée.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Bernard Noël, Une machine à voir, Fata Morgana, avril 2019, 120 p.,19 €

 

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