Roger Gilbert-Lecomte et son semblable

Fidèle à sa propre révolte Gilbert-Lecomte trouve en Rimbaud un précurseur et un allié. Les deux ont bâti une éthique poétique qui nécessite les moyens de refuser tout ce qui n’est pas cela, en sachant pertinemment à l’avance que, quoi qu’ils atteignent, ce ne sera jamais cela.

Certes pour l'auteur Rimbaud montra "les limites de tout individu parce qu’il vécut lui-même à la limite de l’individu" en se situant hors des doxas. Gilbert-Lecomte fit de même en refusant par exemple de s'affilier au surréalisme, son culte du beau et de son hygiène.

Selon l'écrivain trop oublié, la lettre dite "du Voyant" fonda l’esthétique contemporaine. Il reprend pour l'illustrer la thèse d'un Rimbaud, conscient de l’inanité de sa vie et de son œuvre, décidant de tout quitter. Quant à l'auteur,  il tenta de toucher à l’invisible grâce aux paradis artificiels chers à un autre précurseur.

Mais le résultat fut le même.  Sa quête échoua comme celle de Rimbaud. Bernard Noël le souligne dans son texte préface : entre le mot et la mort la lutte est inégale. Le signe n'est que trace et même dans la consumation accélérée dont Gilbert Lecomte devint le consommateur réside un échec patent. À la voyance, toujours selon Noël, fait place une simple souvenance. Si bien que pour l'auteur de Rimbaud et ce dernier la conclusion reste là même : la vraie vie ne fut pas ailleurs, elle fut absente.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Roger Gilbert-Lecomte, Arthur Rimbaud, introduction de Bernard Noël, Éditions Lurlure, avril 2021, 56 p.-, 9 €

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