À corps perdus, accords ouverts : Fred Deux par Bernard Noël

Bernard Noël a tout compris de Fred Deux. À la fois prédateur et proie l'artiste cherche toujours un état particulier : celui où il est proche mais où il reste aussi ailleurs. Cette acmé est capital car il lui permet de saisir ce qui lui échappe : Il faut pour dessiner avoir une descente sous les pieds, dit-il.

Ce livre rassemble les écrits de Bernard Noël sur l'artiste (Processus, L'expérience extérieure, La chair du double, Le lien secret) ainsi que deux entretiens et une lettre. Le poète a compris combien un tel dépossédé est parvenu à une création aussi noire que pâle, aussi sensuelle que janséniste sous l’effet du graphite.
Ce dernier demeure l’arme fatale pour  saisir circonvolutions mais surtout involutions. Soudain tout est soupçonné comme aux dépends des doigts. Le noir pousse le blanc et le blanc le noir. On ne sait qui habite qui,  ni comment. Il y a ce qui coule et de qui remonte. Emmerge ce qui se branche pour le seul bénéfice du trouble. Et cela avec un seul mot d’ordre : J’écoute, j’écarte, j’attends.

L'auteur suggère la douloureuse et presque silencieuse fraternité qui lie la lumière à l’ombre où nous nous cherchons. Le dessin – comme les textes rassemblés qui le "souligne" – donnent en partage loin de l’illusion réaliste et sans le moindre artifice une recherche fondamentale où – écrit Noël – les dessins sont l’empreinte multiforme d’une vitalité aux avatars innombrables.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Bernard Noël, Fred Deux, illustrations de l'artiste, Fata Morgana, octobre 2020, 104 p.-, 19 €, tiré à mille exemplaires

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