Un autre poète de la famille

Illustration pour Jean le bleu, huile sur toile, 61x50 cm, 1991

Fenêtre ouverte sur Manosque. Illustration-évocation de Jean le Bleu. Huile sur toile, 61x50 cm, 1991.

…Serge Fiorio dont l’œuvre peint respire à la même hauteur que l’œuvre écrit de son cousin Giono.    
                                                            
Pierre Magnan

                                                                              

Il s’agit de Serge Fiorio, peintre autodidacte, né le 7 octobre 1911 à Vallorbe, en Suisse, de parents piémontais.
La famille déménage souvent, suivant l’entreprise paternelle  de maçonnerie et de travaux publics vers le lieu de ses chantiers successifs : principalement le percement de tunnels et la construction de ponts.
En 1924, c’est l’installation pour seize ans à Taninges, petit village de Haute-Savoie pour l’exploitation d’une carrière de pierre à ciel ouvert, le chargement de routes et la réalisation de divers ouvrages  de maçonnerie.
Très tôt, à quatorze ans, Serge y travaille courageusement, partageant de bon cœur la rude vie laborieuse des ouvriers carriers. Parallèlement, il les dessine, puis bientôt les peint. Les fêtes de Carnaval également l’inspirent.

    Cousin germain de son père, séjournant souvent en vacances rue des Arcades chez les Fiorio, le Giono tout feu tout flamme des premières années trente s’intéresse tout de suite à ses valeureux essais picturaux, puis, très vite, en 1934, lui demande, péremptoire — en fait pure déclaration d’amour faite à sa peinture ! — de réaliser son portrait.
   Après cette épreuve réussie, d’importance, le jeune artiste autodidacte  gagne encore en assurance, et pour lui, en son art, de nouvelles fenêtres s’ouvrent sur un horizon élargi.
En 1936, dans le but de peindre plus souvent, davantage, Serge quitte la vie de carrier pour s’installer photographe. Cela jusqu’à sa mobilisation, en 1939, à Bourgoin, dans l’Isère, pendant laquelle il s’exprime alors au dessin, au lavis et à la gouache.

    1938 : grâce à son Portrait de Jean Giono alors encore exposé en permanence dans le bureau même de l’écrivain, c’est la rencontre avec Eugène Martel, le peintre de Revest-du-Bion ; en qui Serge trouve, sous l’ami véritable, un guide spirituel plus qu’un maître en peinture. Ils échangent par la suite — et elle durera jusqu’au décès de Martel en 1947 — une abondante correspondance. 

    Son amour de la terre le propulse ensuite, avec son frère Aldo, à Campsas dans le Tarn-et–Garonne où ils vivent leur rêve commun d’être un jour paysans. Cela tout en prêtant très tôt main-forte, mais sans armes, à la Résistance installée dans la région.
Serge y peindra — directement inspirée d’un récit oral de résistants — une moderne Pietà, sa grande toile intitulée La Mort du Camarade, qui est une suite, en quelque sorte, au Tres de mayo de Goya.

   La guerre terminée, les deux frères rêvent maintenant de Haute-Provence ; Serge s’en ouvre à Giono qui aussitôt le dirige vers son ami Lucien Jacques, installé depuis peu au petit village de Montjustin, entre Apt et Manosque. 
Conquis, Serge n’aura de cesse de vouloir s’installer pour toujours sous ce ciel, dans ces lumineux et très purs paysages. Ce que fait la tribu Fiorio toute entière, en 1947, en venant habiter l’ancien presbytère perché tout au sommet du village.
Serge y peint de plus en plus, n’ayant jamais cessé de le faire. Et il commence à vendre beaucoup plus régulièrement, ce qui permet aux Fiorio d’acheter, alors en ruine, des maisons à restaurer, des terres à cultiver, et d’élever aussi un important troupeau de chèvres et de brebis.

   À la fin des années cinquante, peindre prend désormais le pas sur le reste de sa vie : « Effectivement, ma peinture a connu à ce moment-là un renouveau formidable ! » Il peint à la fois calmement et comme un forcené ; s’appliquant toujours autant qu’un bon écolier mais ne s’accordant, par contre, guère de répit dans sa quête, sinon pour aller aux villages voisins faire les courses les plus indispensables, et jardiner. 
Il expose aussi bien dans les villages des alentours qu’à Paris, en Suisse ou en Allemagne. La presse spécialisée et la presse locale parlent de lui, l’encensent, tandis qu’il sourit innocemment aux photographes. 
Après 1970, les expositions Fiorio se font plus rares : amateurs, collectionneurs, franchissent d’eux-mêmes, et de plus en plus nombreux, la porte de l’atelier car, autant qu’acheter, ils veulent aussi rencontrer ce peintre « qui n’a jamais voulu apprendre », sinon par lui-même : « L’ignorance en peinture n’est pas un handicap, mais le point de départ, par les moyens du bord, de découvertes originales. »

   En 1983 Taninges fête le peintre par la première rétrospective de ses œuvres depuis l’année 1932. C’est parce qu’il se trouve, finalement, en manque de tableaux disponibles (son carnet de commandes ne désemplit pas) que verront également le jour d’autres importantes rétrospectives organisées par le Centre Jean Giono, le Château de La Tour d’Aigues et, plus récemment, la Médiathèque de Céreste.

   En 1992, les Éditions Le Poivre d’Âne, de Manosque, publient le premier album intégralement consacré à son œuvre, un livre précieux par le grand nombre d’œuvres reproduites, évidemment ; mais aussi par une alerte biographie du peintre, par des photos signées Pierre Ricou. Le tout couronné de la préface sensible et magistrale de l’écrivain Pierre Magnan. Son succès en est durable, important.

   Et Serge continue de peindre ; un tableau chassant l’autre, jusqu’à la fin de l’année 2007. À partir de cette date, la vie de l’artiste — de quatre-vingt-seize ans ! — se concentre en visites d’amis fidèles et en partage de promenades. Il affiche encore et toujours beaucoup d’humour ; jusque sur la porte, maintenant, de son atelier où il punaise un petit carré de carton portant l’inscription : « Attention ! peinture sèche ! »

   La mort lui pose finalement la main sur l’épaule le 11.01.2011, chez des amis, à Viens, au débouché d’une méditation silencieuse sur Cimabue, le primitif aux ciels d’or.

  Après quoi paraîtront Pour saluer Fiorio précédé de Rêver avec Serge Fiorio et Habemus Fiorio ! tandis qu’un blog lui sera par ailleurs entièrement consacré : sergefiorio.canalblog.com

André Lombard

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1 commentaire

C'est vraiment super, j'ai trouvé que dans cet article, les entraides familiaux sont les plus importants.

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