Brenda Maddox, "Rosalind Franklin, La Dark Lady de l’ADN" : rendre à César ce qui lui appartient

Bonne idée que de consacrer une biographie à un personnage injustement « oublié » par les divers establishments scientifiques et sans lequel la structure de l’ADN, une des découvertes majeures du XXe siècle, ne serait sans doute advenue que des années plus tard : c’était Rosalind Franklin. Cristallographe émérite – le métier consiste en l’étude de l’infiniment petit par la diffraction des rayons X par un cristal – elle se trouva intégrée à l’équipe de James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins qui s’efforçait au début des années 1950 d’établir la structure des acides de l’ADN. Beaucoup de savants célèbres, tels Linus Pauling  et Edwin Chargaff, cherchaient aussi le modèle théorique qui leur vaudrait à coup sûr la célébrité.

 

Apparemment peu commode, Franklin ne s’entendit guère avec les trois hommes et surtout Wilkins, qui la coiffa du surnom de Dark Lady ; elle finit par les quitter en leur laissant les prémisses de la fameuse structure en double hélice ; des notes retrouvées après sa mort indiquent qu’elle en avait eu l’intuition aussi bien que ses anciens collègues. Elle se distingua ailleurs, notamment par ses travaux sur le virus de la mosaïque du tabac. Elle avait 37 ans en 1958 quand un cancer l’emporta, quatre ans avant que le Nobel couronnât ses anciens collaborateurs. Le Nobel ne pouvant être décerné à une personne décédée, ni partagé avec elle, elle fut commodément oubliée. Mais quelques années plus tard, les éloges posthumes commencèrent à fleurir. Le présent ouvrage en est le plus beau bouquet.

 

Extrêmement détaillé, ce livre présente le mérite peu courant de bien refléter la rivalité acharnée et souvent crochue qui règne dans les milieux scientifiques, fût-ce au pays du cricket : les labos sont souvent des paniers de crabes. L’image n’est guère édifiante, mais il faut quand même savoir gré à l’auteur, biographe de métier, de l’avoir dévoilée sans hypocrisie.

 

Gerald Messadié

 

Brenda Maddox, Rosalind Franklin, La Dark Lady de l’ADN, traduit de l’anglais par  Samia Souhami, Édition Des femmes, Antoinette Fouque, juin 2012, 282 p., 20 €

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