Du sexe, vu par Boris Le Roy

Tout d'abord, qu'on ne se méprenne pas, malgré le titre Du sexe n'est pas du tout un livre érotique même si quelques scènes hardies s'y glissent tout naturellement parce que le sexe, c'est bien sûr la chose qui (ré)anime les hommes et les femmes. Il faut plutôt comprendre ce "Du sexe" ainsi : "qui traite de sexe". 

Me voilà bien embêtée pour parler de ce roman parce qu'il m'a laissée sur le bord de la route quelque peu déçue, je n'ai pas été dérangée, bousculée ni véritablement séduite, enfin quoi une lecture frustrante en somme, juste agaçante de promesses non tenues parce que je m'étais laissé dire que ce livre était d'un genre inédit, un OVNI, un texte audacieux. 
Rien à lui reprocher de spécifique ou de  rédhibitoire  sinon que je l'ai trouvé  un peu plat, sans épaisseur ni véritable relief, ce qui est quand même regrettable pour un texte portant ce titre.
Et d'audace je n'ai pas vue, sinon l'utopie sociétale.

Ma lecture s’est apparentée à l’écoute d’un récit de convive brillant lors d’un dîner en ville. Un exercice convenu donc. Est-ce une question d'écriture ou de trop grande distanciation avec le lecteur, je ne sais pas, je n'ai pas été nourrie et suis restée sur ma faim, voilà tout.
Et pourtant il y a de la matière dans ce roman, et de la belle.

Boris Le Roy nous entretient avec humour et foi, d'amour, de désir, de sexe, de relations hommes/femmes et de politique, avec cette merveilleuse utopie en étendard : un système sociétal fondé sur le binôme obligatoire homme/femme dans tous les postes politiques et du monde du travail. Y compris à la tête de l’état. Ah le joli rêve fondé non pas sur la parité mais sur la complémentarité...

Les protagonistes du roman sont deux frères, Simon un politique en mauvaise posture, et Eliel baiseur impénitent et hyperactif qui ne rêve que de conquérir Hanna la fille cachée du président en place, qui l’électrise et le hante. Ce dernier, plein d’idéaux et d’imagination se met en quatre pour mettre en place une candidature  présidentielle bicéphale mâle-femelle, pour redorer la carrière de son frère mais surtout pour pouvoir se rapprocher d'Hanna et la mettre dans son lit.

L’aspect sexuel, s’il est omniprésent dans le texte est restitué de façon assez froide malgré la crudité des situations ou des mots. Etrange impression. Rien d’excitant  à la lecture. Il y manque ce je ne sais quoi, une alchimie du verbe et de la situation. Peut-être  y-a-t-il en veille chez l’auteur une pointe de désillusion qui laisse ses empreintes dans son écriture. Peut-être, oui car je n’ai pas ressenti la chair  et les cerveaux ébranlés décrits.
Eliel, tout comme Boris le Roy manifestement, pensent que le sexe, les corps qui se rapprochent sont fondateurs de toute relation intime, sociétale et bien sûr politique mais qu’il est nécessaire de réinventer leur approche, de créer d’autres connexions, un autre mode de fonctionnement, que ce soit dans l’intimité ou la vie sociale.
Et je suis bien d’accord avec eux.

Il ne manquait finalement à Du Sexe, que mon plaisir de lecture. Imaginez un peu... l'auteur qui prend plus de plaisir que le lecteur, où va-t-on...
Ceci dit, la plupart des chroniqueurs semblent être plus conquis que moi, donc je vous invite à juger par-vous-mêmes.

Anne Bert

Boris Le Roy, Du sexe, Actes Sud, sept 2014, 235 p.-, 20 €

3 commentaires

Combien d'entre nous ont déjà fait cette expérience : on nous a annoncé monts et merveilles pour tel ou tel livre, tel ou tel film... et quand enfin nous découvrons "la chose" cela ne correspond pas à ce que nous nous étions imaginé ?
Oui, Du sexe est un livre surprenant. Dans cette société où le misérabilisme devient le premier moteur de compassion. Où pour obtenir l'adhésion du public, on nous abreuve de pauvres et innocentes victimes, il faudrait toujours pouvoir s'identifier pour pouvoir aimer. Ici, il n'est pas question de cela. Pas de "cul-cul", ni de "pralines" ; du sexe, oui, mais sans voyeurisme. Si l'on espère se taper une bonne branlette, on risque effectivement de rester sur sa faim.  Du sexe donc, mais pas uniquement car comme l'écrivait Montesquieu "Il ne faut pas toujours épuiser un sujet, qu'on ne laisse rien à faire au lecteur. Il ne s'agit pas de faire lire, mais de faire penser". Ainsi, il ne faut pas s'attendre à des réponses toutes faites sur la place de l'homme, de la femme, sur l'importance du sexe dans notre propre histoire. L'auteur ne vient pas en gourou imposer ses pensées, mais nous amène à nous interroger sur nos propres motivations, convictions. Ici on aime des personnages à la perfection humaine (pas de super héros, ni de jolies princesses), l'humour grinçant, et le choc des scènes crues alliées à la loufoquerie des situations.

je constate avec plaisir que le reproche que l'on me fit sur ma dernière chronique est ici intégralement repris : "une lecture frustrante en somme, juste agaçante de promesses non tenues". Il s'agit bien d'une remarque subjective qui ne démontre rien... Quant à moi j'ai ADORÉ ce livre qui brille par son style, ses audaces politiques, éthiques, littéraires, philosophiques et qui, justement, à partir d'une trame basique, démontre bien toute la maestria de l'auteur, c'est un TRÈS GRAND LIVRE autant par son propos (l'absurde poussé à son paroxysme) que son dessein et sa verve littéraire, un livre qui mérite un prix !

@ Annabelle : sorry, je n'avais pu lu votre chronique dont vous parlez, mais oui, il arrive parfois que les gens disent des choses identiques, avec la même formulation, soyez assurée que si je vous avais lue, je l'aurais dit autrement.  Et puis, vous avez tout à fait raison, , je donne en préambule de la chronique, avec cette formulation, mon ressenti, c'est donc du registre de l'émotion, de l'épidermique,  je ne veux rien démontrer et je le dis aussi clairement, que je suis bien embêtée parce que le ressenti à prévalu et me laisse dubitative. 

Mais enfin, sont-ils bien aveugles ou prétentieux, les lecteurs qui affirment que seuls la raison et l'argumentation objective participent à la réception d'un texte littéraire. 
Pour ce qui est du Très Grand Livre...que vous brandissez comme argument ultime, ceci est aussi totalement subjectif bien sûr. Vous affirmez ainsi  qu'il y a de "l'audace littéraire" mais ne dites pas en quoi elle consiste..vous auriez pu éclairer ma lanterne. Donc je vous renvoie à la fragilité de l'argument que vous m'opposiez. Enfin, par contre, je ne vois pas "d'absurde poussé à son paroxysme" dans le concept de binôme H/F.
 Chaque lecteur s'empare du livre différemment, moi il ne m'a pas ébloui, voilà tout, mais je comprends tout à fait que d'autres aient été enthousiastes. 

@ Jul  : Je  n'évoquais les scènes de sexe uniquement parce qu'on les annonçaient également  audacieuses, bof, il faudra m'indiquer en quoi elles le sont, puisque vous aussi vous affirmez qu'il y a le "choc des scènes crues" . Il y en a oui, des scènes crues  mais en quoi sont-elles un "choc" ? Mais ma réserve n'est absolument pas dans l'aspect sexe du livre, du tout, et au contraire puisque ce n'est pas un livre de Q,  non ma réserve concerne la narration, que je trouve froide, distante, tout en théorie. 
Sinon Jul, merci de votre aimable explication de texte, mais je ne m'attendais pas  à des réponses, la littérature tout comme la philosophie n'en donnent jamais, elles posent des questions, et c'est justement ce qui est passionnant.