Boualem Sansal, 2084, la fin du monde, lu par Thierry et Pierre Hancisse

"La religion, c’est vraiment le remède qui tue"

Sous le haut patronage de Georges Orwell et de Voltaire, Boualem Sansal dresse le portrait d'un monde anéanti par la religion absolutiste qui a pris le contrôle des vivants et détruit toute forme de mémoire après la grande guerre nucléaire qui eut lieu en  2084... Depuis lors, l'Abistan - patrie d'Abi le délégué et de Yölah le Dieu tout puissant - est un désert où les habitants n'existent que pour respecter la parole sacrée dans la plus parfaite soumission et ignorance d'une possible liberté. 

"La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n'est plus fort qu'elle pour faire détester l'homme et haïr l'humanité."

Ati, modeste parmi les modestes, est au sanatorium quand la plus extraordinaire des petites choses se fait jour en lui, le doute et la réflexion personnelle. Dès lors, il suffit de cette infiltration du possible pour qu'à la fois toute la vérité du mensonge qui gouverne les hommes soit mis à jour, mais pour que survienne aussi, dans l'obscurantisme le plus rigide et mortifère, la lueur d'un espoir, si mince, mais qui peut tout détruire. 
2084 est l'histoire d'une religion qui domine tout de la vie des hommes, qui s'est érigée en vérité absolue avant laquelle rien n'a été, et que traverse un petit homme pieux et juste, avec son désir simple de comprendre.

"Le plus grand savoir du monde plie devant le grain de poussière qui enraye la pensée."

La lecture des frères Hancisse est double. Le premier lit prologue et épilogue, ainsi que les en-tête de chaque livre, et le second le roman en lui-même. La grave lenteur et les pauses qui respectent le texte dans ses moindres linéaments permet au lecteur d'apprécier toute la profondeur philosophique de ce roman qui traque dans ses moindres détails l'horreur du monde qui se prépare quand quelques barbares détruisent les temples et les oeuvres louant un temps où leur propre dieu n'avait pas été inventé.

"La religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir de ce fait la gardienne acharnée du mensonge originel."

2084 est un roman immense, puissant et fait pour instruire les hommes. Cette lecture est à la hauteur du texte.

Loïc Di Stefano

Boualem Sansal, 2084, la fin du monde, lu par Thierry et Pierre Hancisse, Gallimard, "Ecoutez lire", 1 CD, durée 8 heures, février 2016, 21,90 eur

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