Parce qu'il revient opposer ce qu'il est devenu, une manière de vagabond illuminé, un frère longtemps disparu se pose face au souverain du royaume qui pourrait être antique si n'apparaissaient éparses quelques signes de modernité. Ce retour est l'annonce d'un conflit entre les tenants du pouvoir et la caste inférieure reléguée aux bans de la société. Mais l'histoire de ce royaume nous apprendra qu'il y eut une révolution matée et la mansuétude d'un souverain humaniste, pour preuve l'héritier s'est vu "attribuer" un frère issu de cette minorité, avec qui il va grandir en symbiose, formant un duo inséparable. Alors quand ce frère, aimé plus que de raison (les suggestions d'un amour sinon charnel du moins fantasmé sont équivoques mais émaillent le texte) revient pour s'opposer et non pour reprendre sa place, quand il revient porteur de toutes les colères de la caste inférieur, les tenions larvées depuis des décennies vont exploser. 

Ce seront des plaies presque magiques qui vont s'abattre sur le royaume, des pluie de sang aussi bien qu'une invasion d'insectes, comme autant de signes de la culpabilité du souverain car son frère ne cesse de rappeler qu'il n'est qu'un catalyseur des tensions. Pourtant le récit mené par la voix (la conscience) du souverain, avec de longues plages de réminiscence, les marques d'affection particulières qu'il manifeste à son frère laissaient espérer un retour plus doux. Mais le frère, extrait de sa caste pour faire comme un jouet, est redevenu un des siens, et profite de son statut particulier pour porter sur lui toutes les colères.

Utilisant pour la trame de son roman la relation entre Pharaon et Moïse, et se plaçant du point de vue du monarque, Marie Barthelet signe avec Celui-là est mon frère un beau roman troublant à plus d'un point. Deux frères, que tout oppose à présent, mais qu'une jeunesse commune relient par delà les haines, vont-ils pouvoir se retrouver ?

Marie Barthelet, Celui-là est mon frère, Buchet Chastel, août 2016,