La sorcière et la jeunesse perdue du XXIe siècle

Deux petites filles habitant la même ferme sont tuées à trente ans d'intervalle. Pour le meurtre de la première, Stella, deux adolescentes, Helen et Marie, avaient avoué avant de se rétracter. En ce qui concerne le meurtrier de Nea, la seconde, les rumeurs vont bon train. Les premières à être soupçonnées sont naturellement les deux anciennes amies. Si Helen habite toujours le même village, la même maison, Marie, elle, est revenue au moment même du meurtre pour un tournage.

Les autres suspects ne manquent pas : des  réfugiés syriens dont la présence attise à la fois haine et compassion, quelques jeunes marqués par la tragédie ancienne, le mari d'Helen,  James, un militaire peu sympathique, obsédé par les armes.
En parallèle, une malédiction flotte sur le village : celle d'Elin, une jeune veuve brûlée comme sorcière trois siècles plus tôt. Comme toujours, c'est le couple Ericka et Patrick Flacke qui va résoudre l'énigme.

Les ressorts d'Erica Läckberg sont connus : duo récurrent, flics sympathiques mais  empêchés par un chef qui préfère la sieste et son chien au travail d'enquêteur, histoires à tiroirs, personnages qui expient les abominations commises par leurs ascendants, le tout dans un paysage de rêve : l'ouest de la Suède.

Toutefois, les héros de cet opus très noir détonnent : la description des Syriens qui se sentent à la fois accueillis et rejetés par les Suédois et qui le paieront au prix fort, est d'une grande justesse. Les portraits  des adolescents  qui eux non plus ne trouvent pas leur place , victimes de leurs parents absents ou qui  ne les aiment pas sont bouleversants. Marie dit par exemple ouvertement que sa fille, née d'une rencontre de passage avec un producteur n'est qu'un "accident de travail". Entre cette jeune fille "accidentelle" et le fils d'Helen et de James, les liens qui vont se nouer seront d'une gravité dramatique absolue.

Le ton est donné pour la tragédie finale qui couve dès le début du livre et monte en puissance au fur et à mesure que les sales secrets des adultes se font jour, que les faits de harcèlement, d'agressions  sont dévoilés.
Qu'importe alors le dénouement : il ne peut-être que terrible, à l'image de la détresse des plus jeunes.

Brigit Bontour

Camilla Läckberg, La sorcière, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, Actes sud, novembre 2017, 704 p. -, 24 euros

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