"L'insoumis", la quête de l'Autre

Un cycle à succès

 

L’insoumis constitue la suite de L’esclave, roman de Carol Berg qui avait rencontré le succès et constitué une vraie surprise. Analyse subtile et forte du rapport maître/esclave, L’esclave détonnait complètement par rapport au genre par le ton de sa narration, la complexité du personnage de Seyonne aussi. Gardien et exorciste, il partageait la vedette du premier volume avec Aleksander, héritier du trône des empereurs Dherzi, dont il était le mentor : cela lui valut d’être le restaurateur de la liberté de son pays, l’Ezzarie. Cette fois-ci, s’il est le seul héros du roman, on ne peut pas dire pour autant que Seyonne soit épargné par l’histoire… le défi pour l’auteur est donc de faire mieux que le premier volume : une gageure.

 

Mise à l’épreuve

 

Il exorcise à tout-va, forme les nouvelles générations de gardiens - la plupart ont été tués lors de l’invasion Dherzi - et attend l’accouchement de sa femme, la reine Ysanne. Seyonne rentre chez lui, exténué et apprend que sa femme a perdu l’enfant qu’elle portait. Ravagé, il refuse d’y croire et découvre bientôt la vérité : son fils était en fait possédé par un démon dès la naissance et Ysanne a préféré s’en débarrasser. Cet abandon perturbe Seyonne, l’empêche d’accomplir sa tâche de gardien d’Ezzarie. Il commet des erreurs dans ses combats avec les démons, néglige les rituels de purification - au grand dam de sa partenaire Fiona - et tue par erreur un de ses patients. La loi de son peuple l’oblige alors à l’exil, suivi malgré lui par Fiona, qui le surveille pour le compte du conseil ezzarien. Seyonne part alors à la recherche de son fils, découvre qu’il a été recueilli par une secte qui s’occupe de ces enfants ezzariens possédés dès la naissance. Au même moment, un groupe de rebelles sème le chaos dans l’empire Dherzi et Aleksander lui demande de l’aider. Seyonne infiltre ce groupe et approche son chef, Blaise, un Ezzarien comme lui. Comme celle de son fils, l’âme de Blaise est infectée par un démon. Seyonne part alors à la recherche des origines de son peuple, ce qui le mènera jusqu’au monde des démons…

 

Le doute et l’Autre

 

L’esclave reposait sur la rencontre de Seyonne avec son double, Aleksander, alors que dans l’insoumis tout part d’un doute fondamental : que me cache-t-on, que l’on peut transformer aussi en « qu’est-ce je me cache à moi-même » ?  Notre héros part à la découverte de ce que les apparences recouvrent. Sans révéler la fin, l’auteur choisit de remettre en question les fondations mêmes de l’univers qu’elle a créé. Car il est clair que la lutte des Ezzariens contre les démons n’est que la face émergée d’un iceberg ; quelque chose de beaucoup plus noir, plus insidieux, habite les pages de ce livre. Et, dans sa quête du dévoilement, qui le mènera au bout de lui-même, le personnage de Seyonne acquiert un relief supplémentaire. En fait l’insoumis est aussi un roman d’initiation au monde qui, du doute, nous mène à un autre questionnement : Quel rapport à l’Autre, si différent et pourtant proche au point qu’il est parfois une partie de nous ? Qui est-il vraiment ? Ce livre est d’une richesse thématique qui donne le vertige, tant il semble en prise avec certains débats qui traversent nos sociétés.

 

Au final, si ce roman n'échappe pas à quelques longueurs, notamment lors du passage dans le monde des démons, il n’en est pas moins une vraie réussite. Le troisième tome est très attendu !

 

Sylvain Bonnet

 

Carole Berg, L’insoumis, Gallimard, folio SF, traduit de l’anglais (US) par Sylvie Delloye,  novembre 2012, 752 pages, 10,90 €

1 commentaire

Faut faire attention avec de telles critiques, ça donnerait envie de lire de la Fantasy à ce qui n'aiment pas ça ! :-)