Première dame

Quand Paul annonce à sa femme Marie qu’il est candidat à la primaire du parti pour l’élection présidentielle, elle n’est pas surprise, elle s’y attendait.  Elle est plus que flattée quand il pose une unique condition : qu’elle le soutienne.
C’est dans l’euphorie que le marathon démarre : les quatre enfants, déjà adultes sont enthousiastes, leur père va gagner, ils en sont sûrs.

Marie, la femme au foyer se lance dans l’écriture d’un journal, un décompte pour les 726 jours qui restent avant l’échéance. Ils vont être mouvementés. Le candidat qui axe sa campagne sur la probité, les valeurs familiales s’avère être, au fil des enquêtes de la presse, loin d’être irréprochable : comptes en Suisse, jeune maîtresse, implication de ses enfants à leur insu dans des combines douteuses, il a tout essayé et s’est fait prendre. 
Qu’à cela ne tienne, en bon politique blanchi sous le harnais, chaque révélation semble après quelques jours d’abattement et de remords feints ou pas, le galvaniser.

Marie quant à elle est abasourdie : les comptes à l’étranger, elle a plus ou moins signé, mais ne s’en souvient pas, la jeune maîtresse, elle tombe des nues, la mise en cause des enfants, elle est ulcérée.

La femme effacée que la presse dépeint comme aimant sa maison ses rosiers et la chasse au cerf, malgré une maîtrise de russe, un diplôme d’avocate, sa collaboration à un journal, va en apparence tout supporter, avant de se révéler à elle-même en un dénouement inattendu. 

Dans son journal, elle  dit l’explosion de son monde, l’infidélité, l’hypocrisie, la dureté de la vie politique, les coups bas, mais aussi l’excitation,  la grâce de se sentir portée par la foule lors des meetings. Tiraillée entre loyauté  et liberté, c’est tempête sous un crâne en bourgeoisie.

Dans ce troisième roman, Caroline Lunoir décrit une femme complexe, à la fois fière d’être au service de sa famille et humiliée d’être considérée comme une potiche, trompée par l’amour de sa vie : discrète, mais rebelle ; considérant jusqu’à la découverte des trahisons, que sa réussite est avant tout celle de son clan, de son mari avec qui elle forme une équipe.

Avec beaucoup de finesse mais également d’humour, l’auteur mêle les traits de caractères de plusieurs hommes et femmes politique. L’ombre de Dominique Strauss Kahn, celle d’Emmanuel Macron également  dans le « Traître » que met un hebdomadaire à la une planent sur le récit, même si Paul ressemble furieusement à François Fillon.
Quant aux premières dames évoquées, l’une est passionnée par l’histoire de l’art, une autre par Cuba, dans laquelle on reconnaît Danielle Mitterrand. Mais au jeu du qui est qui, succède très vite le pur plaisir de lecture, d’une fiction politique et sociale  très réussie.

Brigit Bontour

Caroline Lenoir, Première dame, Actes Sud, janvier 2019, 184p. ; 18 euros

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