Été 2021 : relire Casanova

Personne mieux que Casanova ne sut restituer les fêtes et féeries galantes comme la sensualité des femmes dont les seins rondelets gardaient une perfection marmoréenne jusque dans la pâmoison. À l’inverse d’un Don Juan avide de la simple prise, il les respectait : pas forcément dans un but foncièrement altruiste mais pour en jouir plus parfaitement.
Son texte illustrissime  le prouve avec un goût certain pour la dramaturgie jouissive et picturale. Il est vrai que l’auteur avait de beaux exemples : comédiens et peintres faisaient partie de son cercle sinon d’amis du moins de connaissances.

L'œuvre peut parfois déconcerter mais elle emporte par sa fougue joviale qui n’exclut pas la réflexion sans se perdre toutefois en digressions ou images qui alourdiraient son écriture en action. Elle est la preuve de l’intelligence et de la délicatesse d’un homme qui est autant un esprit qu’un corps. L’amour et ses digressions, la jouissance, la réflexion, le transport - pas uniquement amoureux - créent le plaisir d’un texte qui élimine le  cynisme au profit d’un hédoniste à la fois cartésien et pratique. 

L’album de la Pléiade qui accompagnait les 3 tomes de l’édition inédite donne un parfait champ-contre-champ à cette histoire exceptionnelle. L’iconographie réunie par Michel Delon illustre un texte qui par sa visualisation ressemble à un synopsis avant la lettre et impeccable pour l’inconvenant Vénitien.

Si l’auteur resta longtemps dans l’oubli il est capital de le (re)découvrir dans une version inédite enfin complète. L'original caché à Leipzig fut présenté seulement en 1960 pour la première fois au public. Jusque là l’auteur avait été occulté voire caviardé, expurgé. Jean Laforgue au XIXe siècle en avait donné par exemple une adaptation quelque peu édulcorée et tisanière. Mais très vite les critiques comprirent néanmoins la force d’une œuvre alerte et originale. Etiemble le considéra comme un égal de Saint-Simon.

Il avait raison : Casanova reste un maître en allégresse et jovialité. À la recherche de la plus grande justesse il ne triche jamais et saisit le plaisir tout en sachant cultiver le goût d’un certain pathétique.
Plus généralement il faut retenir de l’œuvre sa nécessaire inconvenance. Se dégageant des poses poussiéreuses, Casanova sut oser tout (ou presque) dans sa vie comme dans son écriture. Jamais nauséeux, bourré d’ironie mordante il demeure un chroniqueur hors paire que Félicien Marceau résuma dans une formule parfaite : On dirait Saint-François de Sales racontant une histoire leste.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Casanova, Histoire de ma vie I, II, III, coffret de trois volumes vendus ensemble, édition publiée sous la direction de Gérard Lahouati et Marie-Françoise Luna, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, mai 2015, 4192 p.-, 195,50 €

Michel Delon, Casanova, Album Pléiade, hors commerce (album offert par le librairie pour l'achat de trois volumes), 2015 – album introuvable sinon en bouquinistes

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