Dès la deuxième ligne du livre, le ton est donné : il y est question de forêt obscure et de mort. Le lecteur ne sera pas déçu, Cécile Coulon se montre à la hauteur des obsessions qu’elle reprend dans chacun de ses romans, pourtant toujours différents.

Dans seule en sa demeure, une jeune fille de 18 ans, Aimée épouse Candre, un veuf plus âgé qu’elle mais pas non plus cacochyme. Chance inouïe pour l’époque non spécifiée mais qui remonte à environ un siècle, il paraît attentionné. Elle ne le déteste pas, même si elle sait que son destin est tout tracé : fournir des héritiers à son mari. Elle le suit au domaine de Marchère dans la forêt d’or. Contrairement à son nom, cette forêt du Jura est dense, sombre, angoissante. La maison où elle arrive ne l’est pas moins. 
L’ombre d’Aleth la première femme de Candre est omniprésente, Henria la servante paraît un peu trop attachée à lui tandis qu’un inquiétant jeune homme  à la langue coupée, Angelin travaille comme jardinier, mais se cache, invisible, inaudible.

Dans ce huis-clos pesant, une éclaircie enfin : Candre lui offre des cours de flûte, une activité qu’elle aimait étant enfant, avec Emeline, une musicienne réputée qui viendra spécialement de Genève. Le don n’est pas désintéressé : Il faut que vous soyez heureuse. Et que l’enfant qui viendra le soit aussi, lui glisse son mari.

Tous les ingrédients sont réunis pour que dans le domaine de Candre, retranché dans ses bois aux cornes de brume, aux pattes raçineuses, aux chemins enfoncés dans la terre comme des plaies, Aimée découvre des secrets qui ne devraient pas être révélés.
La mutilation d’Angelin, la mort d’Aleth sont autant de questions qui taraudent la jeune femme et auxquelles, elle va tenter de répondre à ses risques et périls.

Dans ce huis-clos à la Rebecca, Cécile Coulon dont c’est le huitième livre à 31 ans, place à nouveau les désirs de vengeance d’une femme au cœur du récit. Après Une bête au paradis, elle campe une femme fragile et forte dans un monde rural hostile et peuplé d’hommes qui à force de ténacité et d’intelligence parviendra à se venger ou tout au moins à comprendre son environnement.
Avec ses descriptions amples et précises, ses personnages riches, ambivalents, Cécile Coulon réussit une fois de plus à réunir émotion et efficacité dans un roman âpre et dur comme une forêt du Jura en plein hiver.

Brigit Bontour

Cécile Coulon, Seule en sa demeure, L’Iconoclaste, août 2121, 333 p.-, 19 €