Cécilia Dutter, "A toi ma fille"

Le dialogue entre mère et fille est rarement aisé, surtout quand celle-ci sort tout juste de l’adolescence en pleine période d’attentats islamistes.

A son ado de presque dix huit ans qui s’interroge de façon légitime sur les grands problèmes de la vie : la foi, la sexualité, la passion, l’écologie, le terrorisme, Cécilia Dutter répond avec l’expérience qu’elle a acquise mais sans jamais imposer de solutions toutes faites.

Lorsque la jeune femme remet en cause les obligations trop lourdes à son goût du dogme catholique, elle lui propose d’accueillir en toute liberté l’idée du divin, reliant la prière, une "longue louange à la vie" à la méditation en pleine conscience dont elle serait moins encline à se méfier.

A ses interrogations légitimes bien que délicates sur la sexualité, l’écrivain qui reconnaît l’avancée de la contraception et de l’avortement évoque les aspects à double tranchant de ces faits sociétaux : la pilule a certes libéré le corps de la femme mais provoque parfois la déresponsabilisation de l’homme. Elle préfère prendre de la hauteur et parler de la "Magie sexuelle" qui permet d’embrasser ensemble le divin et en appelle à Rilke pour qui, le plaisir physique est le "savoir du monde".

A la passion, au coup de foudre, elle oppose l’amitié, la complicité à l’origine d’une histoire d’amour, complétées dans les moments difficiles par la volonté et la capacité d’adaptation qui sont à son avis les ferments d’un couple qui dure.

Aux écrans qui remplacent l’écrit, aux sites de rencontres qui "empêchent d’aimer son prochain dans la vérité du rapport humain", elle conseille de façon légitime les relations entre personnes à priori dissemblables mais qui avec le temps apprennent à regarder dans la même direction et à s’enrichir de leurs différences.

Après les attentats de Paris, de Nice et de Saint Etienne du Rouvray, plutôt que de céder à la haine, elle tente de canaliser sa colère en relisant La Pesanteur et la grâce de Simone Weil, en reprenant les fondements de la non-violence prônée par Gandhi et Martin Luther King qui n’est autre que l’enseignement du christ révélé dans la passion.

Difficile de dire si une adolescente particulièrement touchée par l’attaque du Bataclan (elle était quelques mois plus tôt dans cette salle) peut trouver dans les mots de Saint Augustin : "aime ton prochain comme un frère" un apaisement direct à l’exécration engendrée par le terrorisme. Mais la réflexion et les mots de sa mère sont posés et la femme qu’elle deviendra les relira probablement plus tard avec un grand intérêt.


Ecrivain chrétien, d’origine juive, adepte de la méditation en pleine conscience, Cecilia Dutter fait plus que donner des conseils. Dans A toi ma fille : elle tisse brillamment des liens, établit des ponts entre catholicisme et religions orientales, hindouisme et judaïsme. Reprend la métaphore de Krishnamurti, un des plus grands sages indiens du XIXe siècle qui voyait le présent comme une vague et invitait l’être humain à se laisser porter sans crainte mais avec la plus grande lucidité par celle-ci. Identifiant la confiance en la vague à la foi en Dieu "qui n’est pas un espoir mais une espérance", l’auteur étend toujours plus sa croyance en Dieu, son expérience de chrétienne à s’ouvrir à l’autre. "Notre seule étoile, c’est l’amour" affirme-t-elle haut et fort en un message universel qui réunit croyances différentes et générations et fait de son livre beaucoup plus qu’une transmission d’une mère à sa fille.


Brigit Bontour


Cécilia Dutter, A toi ma fille. LettresEditions du Cerf, mars 2017,  193 pages, 14 eur

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