Olivier Renault et Rouge Soutine : Une biographie haute en couleur

Voici une biographie pleine d'alacrité. Exempte des pesanteurs trop souvent inhérentes au genre. Non qu'il s'agisse d'un survol ou d'une approche superficielle de son sujet, le peintre Chaïm Soutine, l'un des expressionnistes les plus saisissants de son époque. Son auteur, Olivier Renault, à qui l'on doit déjà un Guide culturel de Montparnasse (Parigramme, 2012), était mieux placé que quiconque pour se pencher sur une période et un quartier parisien qu'il connaît dans leurs moindres détails. Pour retrouver aussi, derrière les légendes, les mystères et les inexactitudes, la vérité sur un artiste dont l'oeuvre et la vie sont étroitement imbriquées.

 

Soutine était né dans le village de Smilovitchi, dans l'actuelle Biélorussie, probablement en 1893. Probablement, car la détermination de l'année procède de déductions hasardeuses. Lui-même se disait incapable de fournir la moindre précision sur le jour et le mois de sa naissance. Premier mystère. Ce qui est certain, c'est qu'il eut très tôt le goût et la passion du dessin et arriva à Paris en 1913, pour y rejoindre, avec Michel Kikoïne, un autre peintre de leurs amis, Pinchus Krémègne. Lequel était alors hébergé à La Ruche, une cité d'artistes de Montparnasse, connue pour être le noyau de la première École de Paris.

 

Sur ses vingt premières années, sur la période de son installation à Paris et sur les années qui suivirent, peu de détails, sinon les témoignages de ceux qui l'ont approché. Soutine ne se livre guère. C'est un taiseux. Non seulement il parle peu, mais il n'écrit guère. Si bien que tout, son enfance et ses vicissitudes, ses relations féminines, son rapport à l'art et à l'argent, la misère qu'il a longtemps côtoyée, a donné lieu à des hypothèses contradictoires, à des affirmations plus ou moins controuvées. Un maquis dans lequel il est difficile de se repérer. D'autant que, son biographe le souligne, "peintre du mouvement et de l'instable, il est lui-même en mouvement. (...) Tout au long de sa vie, il ne cesse de déménager, de bouger, vivant comme un vagabond."

 

Bref, le héros de roman idéal. L'archétype du peintre maudit - comme Amedeo Modigliani avec qui il s'est lié d'amitié et qui laissera de lui plusieurs portraits. Propre à susciter une légende dont le biographe entreprend de faire litière en plus d'un point. Ainsi celui-ci pointe-t-il les erreurs et les insuffisances de ses prédécesseurs.

 

Découvert en 1923 par le milliardaire américain Barnes dans des circonstances incertaines, tant les versions divergent sur leur rencontre, Chaïm Soutine voit s'achever sa période de vaches maigres, celle où, assis sur un banc face à La Rotonde, il attendait, en compagnie d'autres peintres impécunieux, qu'une âme charitable leur offre un verre ou un repas. Dès lors, poursuivant une oeuvre qui lui ressemble, tourmentée, violente, fulgurante, il va connaître l'aisance et devenir une figure majeure de l'expressionnisme.

 

Ni l'argent, ni les succès féminins (il fut, entre autres, l'amant éphémère de Kiki de Montparnasse, entretint une liaison plus durable avec Gerda Michaelis, juive allemande réfugiée à Paris pour fuir la montée du nazisme, et qu'il surnomme Garde), ni la faveur du grand public n'entament pourtant son exigence de rigueur. Jusqu'à sa mort en 1943, son art reflète inlassablement ses obsessions, des boeufs et des volailles écorchés aux paysages coruscants de Céret, ou, plus paisibles, de Cagnes et du Berry, des séries telle celle des enfants de choeur aux portraits et aux natures mortes.

 

Le mérite d'Olivier Renault est de faire revivre avec une alacrité constante un artiste qui, à l'instar de Louis-Ferdinand Céline, savait qu'une oeuvre n'a de valeur que si l'on "met sa peau sur la table".  Ce faisant, c'est toute une époque qu'évoque son biographe. Contrastée, tumultueuse. Traversée par les tragédies de l'Histoire. Comme bien d'autres admirateurs de Soutine, il a "subi la commotion déchirante de sa peinture". Son livre en porte le reflet.

 

Jacques Aboucaya

 

Olivier Renault, Rouge Soutine, La Table Ronde, coll. "la petite vermillon", octobre 2012, 158 pages, 7,10

 

À noter l'exposition parisienne "Chaïm Soutine, l'ordre et le chaos" à l'Orangerie, du 3 octobre 2012 au 21 janvier 2013.

 

1 commentaire

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