On n’arrête pas la connerie : Un rire de Yanne


Certains livres font du bien. En premier lieu ceux dits d’humour. Quand ils sont drôles, ce qui n’est pas toujours le cas. Avec Jean Yanne, on ne prend pas beaucoup de risques : il est forcément drôle ! Drôle sans être vraiment méchant. Yanne ressemblait à un gros chat qui aimait son confort, sa tranquillité et donnait des coups de pattes chaque fois qu’un obtus venait le déranger. Une sorte de bon sens mâtiné de mauvaise foi. Doté, en prime, d’une imagination débordante qui pouvait l’entraîner dans des délires loufoques. A partir d’un mot, il vous inventait toute une histoire, parfois sans queue ni tête mais toujours amusante.


Le dernier recueil en date s’étend sur presque 500 pages. Plus un CD contenant douze chansons de son cru (qui, à mon sens, n’est pas ce qu’il a fait de mieux). En réalité,  il s’agit de l’ancien Pensées, répliques, textes et anecdotes, paru chez le même éditeur en 1999 mais considérablement augmenté. Yanne y parle de tout et de rien. Des réflexions aux hasards de la vie mais aussi des pensées plus profondes. Il n’hésite pas à se lancer dans les jeux de mots les plus tirés par les cheveux et se révèle capable de pondre tout un texte pour y arriver (dans le même esprit que Gotlib du temps de ses Fables Express).


En fait, Jean Yanne semble n’avoir jamais connu de difficulté ni pour parler ni pour écrire. Par exemple, douze pages de totale élucubration pour évoquer les pavés du Nord, avec références bidons à l’appui ! Mais Yanne écrivait brillamment, dans un style tantôt lyrique, tantôt ironique, avec un sens du mot juste. Olivier de Kersauson a raison d’écrire dans sa préface : « Yanne était un homme qui parlait 8000 mots ».


Parmi la foisonnance de ses sujets, Jean aborde aussi le cinéma. Il en parle peu, mais il en parle. La preuve :


« Je suis un grand amateur de cabillaud. J’ai même failli en faire ma vocation. Monter toute une industrie autour du cabillaud. J’aurais appelé cela : Le Petit monde du bon cabillaud. »


Plus sérieusement, si l’on peut dire, il aborde des films qu’il a tournés ; dont une anecdote sur Le Boucher (p 158) où l’on découvre que l’on peut tourner une tragédie et chanter La Grosse Bite à Dudule !


Bref, cette compilation tient ses promesses puisqu’on l’y retrouve les différentes facettes de l’humour de Jean Yanne : de la petite phrase assassine aux longs textes tirant tous azimuts.


Avec, au coin de chaque page, l’évidence de la pertinence.

J’avoue partager souvent son point de vue, en tout premier lieu lorsqu’il s’en prend à une profession envahissante :


« Plus de 80 % de la population c’est des chercheurs ! Toutes les cinq minutes : « Des chercheurs ont trouvé ça, des chercheurs ont trouvé ça… » Y a plus que des chercheurs… Il faut bien qu’il y ait des balayeurs aussi, des éboueurs. Des types qui s’occupent des vaches, qui traient le lait. Il y a trop de chercheurs ! »


Bien sûr, ce livre n’est pas à lire d’une traite. C’est un panier de friandises qu’il faut savoir picorer. Une petite pensée, un gros texte, tout dépend de ses envies et de ses appétits. En tout cas, la digestion est assurée. Et puisque l’on dit qu’un rire vaut un bifteck, ce livre vaut un étal de boucher !


Il est, peut-être, dommage que cette compilation oublie les dialogues écrits par Jean Yanne. Oh, il n’en a pas signé beaucoup. Hormis ses propres réalisations, il n’a guère sévi que dans Etes vous fiancée à un marin grec ou à un pilote de ligne ? Pourtant il serait bon de remettre ses répliques au goût du jour. Un exemple tiré de Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil :


« - T’en as mangé, toi, du caviar ?

- Oui, une fois, chez des amis.

- Et c’est bon ?

- On dirait du thon.

- Ca se mange avec quoi ?

- Avec des couverts à poisson, évidemment. »


Qui a dit que Jean Yanne n’était pas un homme de bon sens ?

 

Philippe Durant


Jean Yanne, On n’arrête pas la conneriepréface d’Olivier de Kersauson, Le Cherche-Midi, novembre 2012, 495 pages,  22 euros

 

 

1 commentaire

"Vous savez pourquoi les vieux mangent autant de cacahouètes? Parce que cela leur rappelle leurs dents." Jean Yanne nous manque!