Jean-Claude Dreyfus, une bio diversité

Je n'ai, hélas, pas souvent interviewé Jean-Claude Dreyfus mais les rares fois furent délectables. L'homme est charmant, drôle, original et, de plus, bourré de talent. Il déclare dans son livre qu'il aimerait jouer du Guitry, je suis certain qu'il y excellerait car les deux hommes ont de nombreux points communs dont une certaine forme d’exubérance et une façon de jouer très personnelle. On peut également rapprocher Dreyfus de Jules Berry, lui aussi acteur qui imprégna chacun de ses rôles.


Or, donc, celui que l'on a trop souvent réduit à son personnage de boucher de Delicatessen (et, accessoirement, à son rôle de M. Marie pour une publicité célèbre qui s'étala sur... seize ans ! » a décidé de coucher ses souvenirs sur le papier. Bien entendu, il ne le fait pas comme tout le monde. Sa bio, certes dégradable, est surtout ébouriffée. Il n'y suit aucune règle, cassant la chronologie, passant parfois du coq à l'âne, répétant de ci de là des mêmes faits ou ne les reliant qu'à des dizaines de pages d’intervalle. Mais qui a décrété qu'une biographie devait forcément suivre un long cours plus ou moins tranquille ?Dreyfus fait comme il en a envie et, au final, le livre est à son image : fantasque, foisonnant mais aussi un tantinet brouillon.


On y découvre d'abord l'enfant, qui passa ses vacances du côté de Monaco, puis le jeune magicien, qui monta tôt des spectacles, le transformiste, qui se produisit avec succès chez La Grande Eugène, et enfin le comédien. Depuis ses débuts, gourmand qu'il est, Jean-Claude n'a pratiquement jamais cessé de faire l'acteur. Au théâtre surtout. Où il se donne chaque soir à fond. Au point d'en être plus usé que ses chaussures :


« Bon Dieu, savez-vous qu'une pare de chaussures qui, dans la vie, vous dure – si vous ne traînez pas les pieds, bien sûr – un an et peut-être même et demi, eh bien, cette paire va, sur une scène, même recouverte de moquette , s'épuiser, devenir avachie et enfin tirer sa révérence au bout de trois ou quatre mois. Vous vous rendez compte de l'état d'un cœur d'acteur... » (p 88)


Dreyfus a passé sa vie à jouer et désormais, avec cette bio, il joue à la fois avec les mots et avec les souvenirs. Il se raconte, raconte ses rencontres, et prend au vol quelques anecdotes qui l'amuse. Ses rares coups de griffe sont pour, ou plutôt contre, lui. Il se reconnaît un caractère de cochon (d'où une collection d'objets porcins qui se monte à plus de 5000 pièces) et admet être totalement infréquentable avant d'entrer en scène.


Bien sûr, j'aurais tendance à lui réclamer encore plus d'anecdotes, plus de détails croustillants sur certains de ses face à face mais c'est parce que je sais que cet homme recèle des trésors qui ne demandent qu'à être partagés. Alors pourquoi pas un J'acte 2 ?


Philippe Durant

 

Jean-Claude Dreyfus, Ma bio dégradable, J'acte I, préface de Patrice Lecomte, Le Cherche Midi, septembre 2012, 192 pages, 18 €

 

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