Raimu, un grand enfant de génie

Je tiens Raimu pour l’un des plus grands acteurs de son époque et, sans doute, l’un des plus grands du cinéma français. Il n’est qu’à voir sa prestation dans La Femme du boulanger pour comprendre toute l’étendue de son talent, qui était immense. A cela s’ajoutent, entre autres, la fameuse trilogie marseillaise et L’Inconnu dans la maison, souvent repris, jamais égalés.

A l’heure où un « vrai » musée le concernant vient d’ouvrir ses portes dans la riante ville de Marignane, il est bon de se pencher sur son parcours.

Car peu de livres existent sur ce monsieur. L’un fut écrit par sa fille (Raimu mon père de Paulette Brun – Hachette 1980) celui-ci est écrit par sa petite fille, Isabelle Nohain-Raimu. Chez les Muraire, on a l’esprit de famille. Pour l’avoir vécu, je sais combien il est difficile de convaincre un éditeur de publier un ouvrage sur Jules Muraire dit Raimu. J’ai vainement tenté pendant des années avant de jeter l’éponge. Que le cherche-midi en soit remercié.

Ce livre raconte plus le Raimu quotidien que le Raimu acteur. Bien sûr, tout son cheminement jusqu’au sommet y est retracé (et quel cheminement : des rôles de tourlourous jusqu’à la Comédie-Française, des œuvrettes cinématographiques aux grands classiques) mais c’est surtout l’homme que sa petite-fille décrit. Avec ses colères homériques, ses doutes, son entêtement. Isabelle Nohain-Raimu s’efforce de casser la légende qui a fait de ce Jules un râleur radin. Au final disons qu’il était doté d’un fort caractère et d’un certain sens de l’économie.

La cinéphilie y perd ce que l’humain y gagne. En ce sens qu’on trouve peu d’anecdotes de tournage, de détails croustillants. Mais sont présents les amis (de Pagnol à l’éternel Maupi !) et les lieux chers à Raimu. Ne serait-ce que Bandol avec sa villa Ker-Mocotte, devant laquelle je suis passé des dizaines de fois, et la plage Renécros (allez à La Chipote, vous vous y régalerez !). Au fil des pages, on côtoie Jules et on se dit qu’il appartenait vraiment à une autre époque.

En revanche sa tendre et chère épouse (grand-mère de l’auteure) parait curieusement absente. Entrant dans un chapitre pour en ressortir presque aussitôt. Pourquoi ? La réponse est donnée dans les dernières pages où Isabelle Nohain-Raimu narre, notamment, ses difficultés à créer et maintenir un musée à la gloire de grand acteur.

Ce musée existe donc, avec des documents rares. Après avoir vivoté quelques années à Cogolin, il est implanté en plein cœur de Marignane. Ce qui aurait sans aucun doute amusé ce Toulonnais qui n’a pas dû venir souvent dans cette ville plantée au bord d’un étang.


Philippe Durant


Isabelle Nohain-Raimu, Raimu, un grand enfant de génieLe cherche midi, juin 2014, 314 pages, 19€

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