Abbou de souffle

Feinte d'incarnation, la photographie devient avec Jonathan Abbou  le lieu où le visible  est transfiguré, transformé mais aussi en effacement : il est livré au vertige virtuel. L'être lui même est offert à ce trauma perceptif là où d'une certaine façon celui-là est retourné comme un gant. La réversion est pour l'artiste une question de seuil que produit les diverses jeux d’ombres et de lumière. Le contrat figuratif fait que  l'image devient un paradoxe.  Franchir son seuil ne revient pas à trouver ce qu'on attend. Un tel travail ne risque donc pas de rameuter du pareil, du même. Existe moins un effet de miroir que de piège : l'œil devient veuf de ce qu'il espère. Sous la perfection, le « monstre » sexuel  bouge selon divers rites de mystère à la fois drôles et troubles - manière sans doute de sortir de la psyché qui n'est rien d'autre qu'un tombeau.


Abbou joue ainsi sur deux registres : la jubilation d'un parcours initiatique qui provoque un ravissement mais aussi - car il faut bien appeler par son nom - le dérisoire spectaculaire de situation où le regardeur semble perdu en une sorte de néant que souligne la perfection des prises. Elle compose une harmonie particulière et sombre.  Dépouillement et surcharges font que ce qui est montré à la fois se dérobe et résiste : sous l'apparente banalité se cache un fantastique érotique. Mais l’effet retour n’est jamais exclu.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jonathan Abbou, « Pose lente »,  Texte de Stéphan Lévy-Kuentz, collection Erotica, Chez Higgins, Montreuil, 200 E.


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