Jean Marc Millière : murmures d’eros

Jamais assez les dentelles mais parfois jamais assez de corps : dans les deux cas les femmes d'aube de Millière s'avance en effet d’ombre comme  dans l'attente du déjà su et depuis toujours accompli. Le photographe parle à travers elles en se  voulant complice de leur destin.  Etendues ou debout  de telles femmes ouvrent le jour à la nuit dans le rêve de devenir sans mémoire mais otage d’un regard qui leur donne la vie. Ciel et terre se mélangent dans une lumière argentée. Le photographe au besoin peut jouer l'amant qui ne daigne pas voir le sablier dont le sable s'écoule ailleurs qu'en le présent immobile de ses modèles.  Toujours seules elles sont le symbole de l'absence appelée pour brûler l'oubli crapoteux aux doigts de craie sous un ciel pie.


En de telles femmes d’ombre les cauchemars se diluent peu à peu. Il est possible qu’à  midi les arbres rajustent leur tignasse, qu’un chat quitte sa retraite. Mais dans la faille de telles prises tout reste à l’état d’hypothèses. Preuve que la photographie ne sauve pas, ne sauve rien. Et elles traduisent - en dépit de leur genre -  ni l'excitation, le désir ou la jouissance. Du corps nu reste la calligraphie perturbante, envoûtante, à demi illisible. Il devient une anagramme qui désigne la quête d'un sens essentiellement obscur.

 

Jean -Paul Gavard-Perret


Jean-Marc Millière, « Grains de beauté », texte de Pierre Gheno, Coll. Erotica, Editions Chez Higgins, Montreuil, 200 E.


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