Jamais assez les dentelles mais parfois jamais assez de corps : dans les
deux cas les femmes d'aube de Millière s'avance en effet d’ombre commedans l'attente du déjà su et depuis toujours
accompli. Le photographe parle à travers elles en sevoulant complice de leur destin.Etendues ou deboutde telles femmes ouvrent le jour à la nuit
dans le rêve de devenir sans mémoire mais otage d’un regard qui leur donne la
vie. Ciel et terre se mélangent dans une lumière argentée. Le photographe au
besoin peut jouer l'amant qui ne daigne pas voir le sablier dont le sable
s'écoule ailleurs qu'en le présent immobile de ses modèles.Toujours seules elles sont le symbole de
l'absence appelée pour brûler l'oubli crapoteux aux doigts de craie sous un
ciel pie.
En de telles femmes d’ombre
les cauchemars se diluent peu à peu. Il est possible qu’àmidi les arbres rajustent leur tignasse,
qu’un chat quitte sa retraite. Mais dans la faille de telles prises tout reste
à l’état d’hypothèses. Preuve que la photographie ne sauve pas, ne sauve rien.
Et elles traduisent - en dépit de leur genre -ni l'excitation, le désir ou la jouissance. Du corps nu reste la
calligraphie perturbante, envoûtante, à demi illisible. Il devient une
anagramme qui désigne la quête d'un sens essentiellement obscur.
Jean -Paul Gavard-Perret
Jean-Marc Millière, « Grains de beauté », texte de Pierre Gheno, Coll. Erotica, Editions Chez Higgins, Montreuil, 200 E.
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