Emma Barthère : l'excès l'usine

Héritière implicite de  l’œuvre de Joël Peter Witkin, Emma Barthère transgresse bien les codes. Immobiles dans le tintamarre de l’univers industriel ses femmes nues dissolvent les apparences sans pour autant faire le lit du voyeur.  Elles sont les odalisques de la féminité assumée parfois dans d’ultimes réverbérations crépusculaires et en un équilibre précaire mais jusqu’au triomphe d’un féminin cosmique. Le corps nu jette une froideur  indifférente ou provocatrice sur le voyeur qui le fixe. Supposée « proie » ce corps transperce le chasseur là où l’espace et le temps perdent leurs repères classiques par les décors industriels en ruine.
Il n’y a ni geste, ni bien sûr de mots. Seul un regard mutique déchire le nœud des fantasmes et porte le nu en un propos coruscant. Entre le modèle et l’objectif surgissent un face à face, un corps à corps de deux vertiges qui ne peuvent que décevoir les langoureux rêveurs. Restent en ellipse ou énoncé - des moments de grâce. L’attendu est décalé loin des folies érotiques à la triste opulence.  Reste un envoutement glacé. La femme devient le point d’impact d’un sublime isolement dans le royaume écorché de machines devenues célibataires.  Elle est aussi fragile que forteresse. Sirène d’elle-même elle ose ce que les mâles ne font pas : avancer à découvert. Face à l’obscur et aux gravats elle est l’aurore qui invente les couleurs.

Jean-Paul Gavard-Perret

Emma Barthere, Pieds Nus, portfolio, coll. Espaces, Chez Higgins, 2017, non paginé, 40€

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