"La Grande vie" de Christian Bobin

Par le délicat et le subtil de ses notations, l'écriture de Christian Bobin se parcourt comme la transcription poétique de son expérience immédiate de la nature. Il fixe dans les choses minuscules l'essence même de la mystique, qui est une union puissante et personnelle de l'homme et de la nature qu'il observe et dont il s'imprègne. Cette écriture très humble, quasi offerte à son sujet, est d'une puissance rare.

"Arraché à la nuit son visage avait été jeté vers moi — un chef-d'oeuvre"

Cette prose poétique s'attache avec La Grande vie à signaler l'admiration de Bobin pour la nature telle qu'elle exprime sa beauté dans la simplicité d'une fleur qu'on cueille ou d'un petit merle qui chante. Mais aussi l'admiration d'un homme envers quelques-uns de ses "amis" dont la fréquentation l'élève, aussi bien Ernst Jünger que Jean Grosjean, Lewis Carroll, Soren Kierkegaard, par une affection respectueuse doucement murmurée, jusqu'à sa propre mère dans un petit texte d'une incroyable beauté.

La Grande vie contient aussi une belle déclaration d'amour au livre, à sa puissance contenue dans la possibilité de prendre son temps, de vivre même après l'avoir refermé la beauté lue. "Le monde a tué la lenteur. Il ne sait plus où il l'a enterrée", seul le livre et la nature sont porteurs de ces valeurs immémoriales. 

Récit poétique d'une subtile élégance, La Grande vie porte tout l'art de Bobin, toujours empreint de spiritualité et de délicatesse, dit tout son attachement à la nature et à certains hommes. Christian Bobin dit ici toute sa reconnaissance au plaisir d'exister et d'admirer. 

Loïc Di Stefano

Christian Bobin, La Grande vie, Gallimard, "folio", octobre 2015, 112 pages, 5,80 eur

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