Christian Bobin, le poète enchanteur

Pour habiter poétiquement le monde – mantra que Frédéric Brun nous assène depuis 2015 avec la candeur du juste pris dans les rets de l’infâme libéralisme – il convient avant tout d’admettre l’humanité qui est en nous. Car aussi vrai que les bébés sont à une cloison de papier de riz de la vérité, nous sombrons corps et âme dans les abysses de la connerie élevée en étalon royal, avec son corollaire monétaire comme référence d’absolu… ainsi grand temps il est – dirait maître Yoda – de saisir l’once de possible qui, chaque instant, s’offre à nous malgré notre morgue matérialiste et nos yeux rivés sur nos écrans Retina.

Si je ne me suis pas perdu avec les Hommes dans l’avidité croissante qui dévore notre planète, c’est sans doute grâce à la contemplation que je pratique depuis toujours, ici, face à la Méditerranée qui s’agite, abrité dans la crique qui fait face à l’île d’Or en pensant au choc qu’a eu Hergé lorsqu’il l’a vue la première fois, l’imaginant ensuite l’intégrer dans sa future histoire (L’Île noire), puis tournant la tête vers le ponant pour me noyer les pupilles dans les moutons d’écume qui dévalent les déferlantes : le mistral a déshabillé la mer et Neptune ne parvient pas à recouvrer ses habits d’apparat. Tant pis, les milliers de miroirs qui, à mer étale, scintillent sous le sémaphore me reviendront un jour prochain…

Entendre, vivre avec la nature nous rappelle Christian Bobin dans cet entretien avec Françoise Lemarchand, est l’indispensable raison qui nous fera conserver les pieds sur terre et la tête sur les épaules. Avoir cette sorte de présence diaphane au monde, cette humilité dans la question de savoir-vivre, plus que du savoir-vivre.
Aborder le regard avec la paix, sans idée de préemption ou de carnage, flotter sur les couleurs, humer les parfums, admettre le temps lent, reconnaître une fragrance, débusquer un trille, rêver, oublier, recommencer…

François Xavier

Christian Bobin, Le Plâtrier siffleur, Poesis, février 2018, 16 p. – 5 €

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