Rêves de train… et de cabane en rondins 

Ces temps de pandémie font ressurgir les vieux démons, ou plutôt les vieux desseins, les rêves d’enfant, les fantasmes naturalistes et Henry David Thoreau n’est pas loin, entre la désobéissance civile – qui n’a pas enlevé son masque ? n’est pas allé fêter clandestinement ? marcher au-delà des dix kilomètres ? etc. – et la vie solitaire en ermite, il rassemble les désirs de certains d’entre nous.
Ainsi en est-il ici question : notre héros, Robert Grainier, bûcheron pour une compagnie ferroviaire qui construit des ponts au-dessus des canyons, prend femme à l’aube de ses trente-cinq ans et construit une cabane sur un arpent de terre pour sa petite famille, une petite fille née assez vite…
Confronté aux malheurs de la vie, son destin se heurtera souvent à l’imprévu, à la cruauté de l’histoire, et seule sa clairvoyance dans la simplicité de la nature lui permettra de survivre, d’affronter l’impossible en demeurant dans la simplicité…
Ce qui nous offre de très belles pages sur cette faune et flore américaines, sur les dangers du métier de coupeurs d'épicéas géants et nous plonge dans ce monde étonnant du début du XXe siècle, entre la Ford T qui chauffe dans les montées et ces voltigeurs qui bâtissent des ponts au risque de leur vie.

Le mot est désormais à la mode, la simplicité, auquel on pourrait accoler l’humilité, tant elle manque cruellement à nos gouvernants, et fait ici figure de bâton de maréchal. Savoir rester à sa place, accepter, forger sa foi dans les principes fondamentaux de l’existence et non dans des prophéties ou des théories scabreuses.

Portrait touchant d’un homme de son temps, fier et naturel, conscient de ses limites, se battant contre la dureté de la vie avec ses armes, dans l’émergence d’un monde nouveau auquel il n’adhérera pas.
Mort dans les années 1960, il se gardera de faire entrer la télévision chez lui. Continuera à voyager en train, vivra dans la nature le plus possible afin d’interagir dans cette équation si simple de l’homme en son milieu naturel, si simple que l’on a fini par totalement l’oublier au profit d’un monde numérique qui nous détruira tous à terme…  

 

Rodolphe 

 

Denis Johnson, Rêves de train, traduit de l’anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent, coll. Titres, Christian Bourgois éditeur, avril 2021, 140 p.-, 7,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.