La plage selon Alan Pauls

Sous la pavés la plage. Idée de liberté, tout ce sable. Mais quelle liberté ? L’illusoire mode de l’exhibition ou la réelle forme d’être ? Trop de clichés, trop de malentendus entourent ce concept. La plage oui, mais quelle plage ? Alan Pauls nous éclaire de quelques réflexions.
Et citations.
Dont la plus savoureuse – qui en douterait ? – provient du Journal de Witold Gombrowicz :
Regardez-la donc folâtrer, la femme du pharmacien, qui fouille le sable de son petit pied, avec son talon nu qui saille, qui dépasse. Et le chef du secteur des ventes qui folâtre aussi, donne un coup de pied dans un ballon, halète, pousse des cris. Ah, il s’en donne à cœur joie ! À poil ! Mais il est déshabillé, ce nu, dénudé ! Déshabillé, le chef ! Déculottée, la femme du pharmacien ! Et les doigts de pied qui viennent farouchement à la rescousse des doigts des mains ! Ces corps horribles, dans leur furieuse provocation, font hurler la plage. Mon Dieu, accordez-moi le droit de vomir la forme humaine !

Tout comme Alan Pauls, je ne souscris en rien à cet étalage de chairs plus ou moins fraîches. La pudibonderie de certaines qui deviennent des Couguars dès le seuil sablé franchi m’horripile. Plus aucun sens. Ni moral ni du ridicule. Quel étrange phénomène de société que cette manie estivale occidentale. Avec de courts chapitres bien sentis, Pauls nous arrache rictus et colère, résignation et emballement. L’Homme est bien un animal dénaturé, comme disait Vercors. Et bien au-delà de toute raison…
La plage ne peut être associée qu’à la vulgarité la plus stérile. Il faut se faire à l’évidence. La plage ne prévoit pas de place pour des opérations aussi secrètes que la pensée. Observez les rares qui lisent sous leur parasol : Paris-Match, Gala ou Marc Lévy pour les plus lettrés… Pathétique peuple décérébré qui célèbre sa bêtise à l’aune de l’écran total indice 50.

Faîtes comme moi si vous souhaitez jouir de la mer. Une crique oubliée. Un chemin dans les arbres qui s’ouvre sur une plage déserte. Seul avec l’élément. La Nature. Le silence… Alors ainsi la vie pieds nus prend du sens…  

 

Annabelle Hautecontre

 

Alan Pauls, La vie pieds nus, traduit de l’espagnol par Vincent Raynaud, coll. Titres, Christian Bourgois éditeur, juin 2021, 144 p.-,  7,80 €

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