Trois visions de l’horreur : Le Signe, Sonar et Bikini Atoll

En 2014, Glénat inaugurait avec Sunlight de Christophe Bec et Bernard Khattou une nouvelle collection intitulée Flesh & Bones. L’occasion pour l’éditeur de diversifier cette dernière à travers des titres qui couvrent un panel assez large d’ambiances…

 

Commençons par Le Signe dans lequel un écrivain aigri ne supporte plus sa voisine du dessus qui joue du piano toute la journée, l’empêchant selon lui d’écrire son chef d’œuvre. Manuel Garcia est un dessinateur français qui a travaillé pour des grands éditeurs américains comme Marvel, DC Comics, ou Valiant (après avoir bossé notamment chez Semic sur Strangers et quelques Zembla). Il prête son sens de la mise en scène à une intrigue signée Philippe Thirault (Rimbaud). Le Signe est une histoire d’épouvante qui mise presque tout sur son atmosphère. On pense au Dark Water de Hideo Nakata dans cette manière de rendre le quotidien progressivement effrayant à partir de petits détails qui s’accumulent. Même si, dans les dernières pages, Philippe Thirault lâche les chevaux au détriment d’une histoire qui, à mon avis, aurait mérité à rester sobre du début à la toute fin. Il y a aussi un soupçon du Shinning de Stanley Kubrick dans cette histoire, où l’argument fantastique existe pour souligner la crise familiale. Malgré sa fin que j’ai donc trouvée mal négociée, Le Signe est une jolie réussite.

 

Vient ensuite Sonar : au large de la Sicile, des chasseurs d’épave explorent le Sun Horse, un yacht de luxe coulé dans les années 60. Malheureusement pour eux, il abrite tout autre chose que des trésors… Déjà beaucoup moins « feutré » que Le Signe, Sonar m’a évoqué le film Leviathan de George Pan Cosmatos. Plongées sous-marines, montée en pression, disparition progressive des membres de l’équipage… Sylvain Runberg (Orbital) mène sa barque dans des eaux déjà bien connues. Pour ma part, les créatures de Sonar ont déjà été traitées dans l’excellent The Wake de Scott Snyder et Sean Murphy, et, du coup, Sonar souffre un peu de la comparaison (même si les deux histoires n’ont aucun rapport). En fait, Sylvain Runberg semble toujours hésiter entre jouer sur le hors-champ ou y aller franco dans le gore. Au final, une chouette série B.

 

S’il y a une histoire sur ces trois albums qui n’hésitent pas à montrer du gore, c’est Bikini Atoll où des touristes se retrouvent aux prises avec un monstre mutant sanguinaire et revanchard. Ici, Christophe Bec verse clairement dans le gore absurde et burlesque, entre le slasher movie à la Vendredi 13, et la gaudriole à la Toxic Avenger. Bec fait gentiment monter la tension avant de tout lâcher dans une dernière partie éprouvant, mais qui ne se prend jamais totalement au sérieux. Bernard Khattou qui collabore régulièrement avec le magazine Psykopat n’a pas un style qui se prête de prime abord à ce genre d’histoire, et pourtant sa générosité communicative emporte le lecteur dans un tourbillon de sang et de chair. Pas très malin, mais réussi voire jouissif !

 

Avec ces trois nouveaux titres, c’est donc tout un spectre du genre horrifique que les auteurs parcourent. Les amateurs de cinéma fantastiques qui aiment les histoires subtiles ou plus bourrines, y trouveront de quoi s’amuser, le temps d’un récit complet. En tout cas, on sent bien le plaisir qu’ont eu les artistes impliqués à transposer en bande dessinée l’ambiance des séries B d’horreur. Un joli début de collection que j’espère voir s’étoffer rapidement.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

Philippe Thirault (scénario) et Manuel Garcia (dessin) - Le Signe

Sylvain Runberg (scénario) et Chee Yang Ong (dessin) - Sonar

Christophe Bec (scénario) et Bernard Khattou (dessin) - Le Signe

Édités en France par Glénat (9 mars 2016)

Collection Flesh & Bones

128 pages noir et blanc

14,95 euros l’album

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