"Damnés", l'enfer selon Chuck Palahniuk

Quand on est moche et grosse, fille d'ancien baba cool richissimes et qu'on meurt à 13 ans dans son internat de jeune fille en Suisse, se retrouver en Enfer sans avoir fauté n'est peut-être pas la plus mauvaise des choses. Madison est donc fraîchement envoyé aux Enfers et ne se déprend pas de deux "souvenirs" de vivante : son incurable espoir et sa passion pour le film Breakfeast club, qu'elle va s'employer à répéter dans son nouvel environnement, fait de cages nauséabondes, d'océans de spermes gâchés et de Marais d'avortements par naissances partielles... 
 
"Satan, tu es là ? c'est moi, Madison. Ne prends pas ce qui va suivre pour un reproche. Je t'en prie, prends ce qui va suivre comme une critique constructive. Pour ce qui est du positif, tu dirige une des entreprises les plus grandes de l'histoire de... de l'histoire, quoi. Tu as réussi à augmenter ta part de marché malgré la concurrence effrénée d'un adversaire direct et omnipotent. Tu es synonyme de malheur et de souffrance. Néanmoins, si je peux me permettre d'être franche, le service client est carrément minable."
 
Breakfeast club aux enfers, donc, un petit groupe d'adolescents va arpenter ce nouveau monde et rencontrer à la fois ses démons et sa bureaucratie. C'est la jeune Madison qui raconte ces errances aussi bien qu'elle tente une introspection en se remémorant les moments de sa vie pour comprendre comment elle a pu être damnée (car on ne va pas aux Enfers pour un peu de marijuana...).
 
Ce roman est l'occasion pour Palhaniuk de se défouler sur les religions, sur toutes les religions. Et la pire de toute pour lui, celle qui a supplantée la foi réelle : la culture pop dont les parents de Madison (mère actrice star, père producteur) sont des valeurs absolues, qui poussent à croire que rien n'est mal (Madison se voit proposé avant ses 13 ans aussi bien des drogues que du sexe) ni les tueurs en série, la preuve ils ont des chaînes câblées dédiées... 
 
Palahniuk est au meilleur de sa forme pour la verve incroyable et la jubilation qu'apporte au lecteur un style imbattable mêlant un humour acide et très "adolescent" à des réflexions philosophiques les moins décentes et politiquement correct qui soient. Les descriptions de l'enfer aussi bien que les tourments adolescents. Avec bien sûr beaucoup de grossièreté, de sexe, de violence, de drogues... ce qui fait l'art inimitable de Chuck Palahniuk. Et là, il est en pleine forme : c'est du grand n'importe quoi jubilatoire !
 
Loïc Di Stefano
 
Chuck Palahniuk, Damnés, traduit de l'anglais (USA) par Héloïse Esquié, Sonatine, août 2014, 290 pages, 17 eur
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