Qui je suis, Charlotte Rampling

De Charlotte Rampling, on connaît le regard étrange, le mystère, la force de certains de ses rôles. Il y eut ceux de Portier de nuit,  des Damnés,  de Stardust Memories, de Sous le sable, bref une filmographie à faire pâlir d’envie n’importe quelle comédienne. On sait qu’elle est anglaise, qu’elle se livre peu. Aucune biographie ne lui avait été encore consacrée. Qui je suis aurait donc pu être la première. Ce n’est pas le cas. C’est beaucoup plus. C’est un livre mystérieux et magnifique, un long poème dédié à sa sœur morte trop tôt. Des pages où le pourquoi l’emporte sur le comment.

 

Charlotte Rampling n’a pas de certitudes, pas de réponses, que des doutes.


Elle eut une famille atypique : un père beau comme un dieu, champion olympique de course en 1936, une mère qu’on eut dit sortie d’un roman de Fitzgerald. Son enfance se passa entre Grande Bretagne et continent. Elle vécut à Fontainebleau puis à Londres quand Mary Quant et les Beatles firent voler en éclat les codes de la bienséance. Une vie de parties dans l’air du Swinging London, de promenades en mini jupe sur king’s road, de virées en Bubble car, vite stoppée par le suicide de sa sœur en Argentine.

Son père l’attendait dans le jardin : « your sister is dead, go and see your mother ». C’est ainsi que  l’enfance s’arrêta et que vinrent le chagrin, les rôles, les questions. Bien sûr tout est plus compliqué, moins linéaire dans son existence. Une malle de souvenirs perdue puis retrouvée a son importance, un aspirateur également.


La quête existentielle existait avant le drame mais elle s’est incarnée avec, a nourri les personnages de cinéma troubles et profonds de la jeune actrice. Parfois  même objets de scandales. Portier de nuit, quarante ans après interroge encore.

C’est cette insécurité qui affleure dans le livre co-écrit avec Christophe Bataille. Durant dix ans, ils se sont rencontrés, ont échangé des moments, des bribes de conversations ou de musique. Un ouvrage était prévu mais il était possible qu’il ne se fasse pas. Il a vu le jour, un peu par miracle.


Qui je suis est un livre impressionniste fait de secrets et de silences.  Chaque confidence est suivie d’une fuite, d’un retranchement.  Toujours, Charlotte Rampling se livre pour mieux s’échapper.


La tendresse de la femme et la violence de la vie s’affrontent à chaque page.  La douceur de l’enfance, l’horreur du temps qui passe sont là comme un fil rouge.


Entre fascination et simplicité,  rêveries et mutisme va l’existence d’une grande interprète  aussi mystérieuse que les chats dont elle a le regard et l’étrange indépendance.


Brigit Bontour


Charlotte Rampling, Qui je suis, avec Christophe Bataille, Grasset, 120 pages, 15 euros.

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