Young Royals : le feu et la glace scandinaves

Netflix vient d’annoncer que la série suédoise Young Royals, diffusée depuis l’été aura une saison 2. Destiné de prime abord aux adolescents, le programme démarré dans une relative discrétion a vite trouvé son public dans toutes les classes d’âge. 

Si le scénario adopte les codes de nombreux teen dramas, la série prend le parti de montrer des lycéens proches du vécu adolescent, gauches et maladroits plutôt que semblant directement sortis des pages de Teen Vogue.
Wilhelm, le personnage principal est filmé lors d’une bagarre à la sortie d’une boîte de nuit de Stockholm. La vidéo postée sur les réseaux sociaux devient virale. Fils cadet de la reine de Suède, il n’est pas destiné à ceindre un jour la couronne, elle est destinée à Erik, son aîné mais ses moindres faits et gestes sont néanmoins scrutés. Aucun écart ne lui est permis.
C’est la mort dans l’âme qu’il fait un mea-culpa officiel devant la nation avant d’être expédié manu militari pour trois ans à Hillerska, un pensionnat qui réunit les enfants de l’élite suédoise. Il y est accueilli avec curiosité et bienveillance. Ce qui n’exclut pas l’intérêt que lui portent certaines jeunes filles téléguidées par leurs parents, notamment Felice, tout aussi empruntée et complexée que lui. Rapidement accepté dans ce petit cercle de jeunes privilégiés, il s’intègre plutôt bien malgré la surveillance pesante de son cousin August, dont l’existence est tout aussi compliquée que la sienne.

Dans le magnifique automne suédois entre entraînements de kayaks sur un lac paradisiaque, soirées alcoolisées et célébration de Sankta Lucia en décembre, il se rapproche de Simon, un boursier accepté avec sa sœur dans l’école du gotha scandinave. Il découvre alors son ambivalence : jusque-là il était un bourreau des cœurs plutôt féminins, l’idée d’une éventuelle bisexualité ne l’avait jamais effleuré.
Troublé par le jeune homme, rejetant tout d’abord sa propre attirance puis succombant à son charme, Wilhelm devenu dans l’intervalle héritier du trône, voit sa vie et ses certitudes bouleversées. Amoureux fou de Simon, il est bien décidé à vivre son histoire. A ceci près qu’une autre vidéo dévoilant une scène d’amour entre eux deux fait à nouveau basculer son destin.

La force de Young Royals tient en partie au fait que ses héros n’ont pas, loin de là, la plastique idéale, fantasmée par des adultes nostalgiques de leurs jeunes années. Ils sont des garçons et des filles en proie aux bouleversements de leur âge.
Souvent mal dans leur peau, trop maigres ou en surcharge pondérale, Ils ont comme Wilhelm, le visage dévoré d’acné, souffrent du syndrome d’Asperger comme Sarah ou sont accros aux médicaments comme August. 
Les deux jeunes amoureux sont touchants et timides. Si l’un des deux, Simon se dit ouvertement gay, l’autre découvre cette facette de son identité. C’est dans leurs regards, leur confusion, les mots bégayés, les rendez-vous manqués que s’expriment la sincérité et la beauté de leur idylle naissante. La scène de l’aquarium alors que le jeune prince s’invite dans le HLM de la mère de Simon est éloquente. 
La tendresse entre les deux garçons par ailleurs amis dans la vie rayonne, leur complicité s’affiche, leur talent se dévoile.

Si Edvin Ryding dans le rôle de Wilhelm est très connu des Suédois, il est acteur depuis l’âge de 5 ans, Omar Rudberg, musicien de 23 ans qui incarne Simon fait lui ses débuts devant la caméra. Fervents adeptes des réseaux sociaux, où ils sont omniprésents, le premier a vu son compte Instagram passer de 20 000 abonnés avant l’été à plus d’un million en deux mois. A dix-huit ans, il n’est pas sans évoquer le charisme et la présence de Matts Mikkelsen, prix d’interprétation masculine pour La chasse en 2012 à Cannes ou crevant l’écran plus récemment, dans Drunk, un film aussi réussi que dérangeant.
Certes, Young Royals manque parfois de réalisme : les fêtes très alcoolisées ont lieu dans un bâtiment en ruines sur le terrain de l’école qu’aucune autorité scolaire ne pourrait accepter sous peine de procès intentés par les familles ; les gardes du corps du prince sont particulièrement lointains, voire absents, ce qui lui permet de faire le mur quand il le souhaite ; une scène censée avoir lieu au petit matin en décembre est filmée alors qu’il fait grand jour, mais la magie scandinave opère entre aurores glaciales et soirées  à l’atmosphère hygge.

Écrite par Lisa Ambjörn, réalisée par Rojda Sekersöz deux trentenaires, Young Royals annoncée comme une synthèse d’Elite, de Gossip girl et de The Crown en diffère par son ton sensible et romanesque bien particulier.  L’ambivalence, la poésie des personnages, la complexité des situations   affleurent à chaque plan, rythmé par une musique tout en contraste. Entre devoir et amour, le choix du garçon appelé à régner est cornélien, aucune monarchie n’ayant à ce jour accepté d’introniser un roi et son compagnon ou une reine et sa compagne. 

Les créatrices se sont-elles inspirées des années de jeunesse rebelles de la princesse héritière Victoria et de son frère Carl Philip ? La future reine de Suède a en effet épousé son professeur de sport, tandis que son cadet a convolé avec une ex-starlette de téléréalité qui en son temps se fit photographier dans des poses très suggestives.
L’histoire ne le dit pas mais purement imaginaire ou pas, Young Royals est une série LGBT + que l’on dirait adaptée avec brio d’une œuvre littéraire.

Brigit Bontour

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