"Conan" pâle copie...

Librement inspiré de …

L’été 2011 s’est achevé avec son lot de grosses productions bien senties entre un sorcier boutonneux sorti de l’adolescence, un clown cosmique porteur d’un anneau n’appartenant pas à Sauron et quelques autres trésors infantiles entre courses de voitures soporifique et gnomes bleus vieillissants. Mais l’été au cinéma, c’est aussi la possibilité de lancer quelques adaptations d’œuvres littéraires issues de la culture de genre. Aussi a-t-on pu voir sur grand écran une nouvelle adaptation de Conan. Pour quel résultat ?

Sur les traces de Milius ?

Conan n’est pas tiré directement d’une nouvelle de Robert E. Howard (1903-1933), son créateur, écrivain américain inventeur du genre fantasy (et bien avant Tolkien, n’en déplaise à certains), créateur d’une multitude de héros hauts en couleur parmi lesquels Solomon Kane, Kull et donc Conan. Mettant ces héros en scène à des périodes dites oubliées, rassemblant les légendes de divers folklores, Howard visait surtout à analyser les fondements mêmes de la civilisation via son propre univers. Pour lui, la civilisation est un accident et seule l’état de barbarie convient à l’Homme. Son œuvre fascine aujourd’hui encore nombre de lecteurs, si bien que la bande-dessinée, l’univers ludique et le cinéma se sont approprié ce barbare du fond des âges, l'aventurier absolu.

Par le passé, John Milius et Richard Fleischer s’étaient déjà attaqués à la transposition sur grand écran du mythe howardien. Si l’histoire retient le film de Milius, c’est que ce dernier a retranscrit mieux que personne les enjeux de l’œuvre d’Howard, les différents clivages entre l’état de barbarie et la civilisation, bien que son scénario ait peu à voir avec les nouvelles originelles. Il a aussi transposé un univers crédible, un mythe et s'est attaché au destin d'un personnage hors normes, donc attachant.

Quand aujourd’hui Marcus Nispel s’est porté garant de la nouvelle adaptation du héros d’Howard, il a lui-même assuré vouloir rester plus proche encore de l’univers d’origine que ne l’avait été John Milius. Auteur de remakes de sinistre mémoire (Massacre à la tronçonneuse, par exemple), Nispel avait intérêt à ne pas se tromper. Hélas ! l’échec est d’autant plus cuisant que son projet était ambitieux. Jamais durant le film il ne respecte un tant soit peu l’univers d’Howard, mis à part quelques noms disséminés ici et là. Il fait finalement de Conan un vulgaire esprit vengeur flanqué de compagnons aussi ineptes que transparents. Là où Howard présentait un vrai barbare et non un héros obéissant à des préceptes de survie, tuant, volant et cherchant richesses, tout en respectant ses traditions, son Dieu et les enseignements de son père, Nispel nous présente un baby-sitter pour Bimbo antique. Malgré quelques répliques au demeurant ridicules, la dualité barbarie/civilisation n’est jamais dégagée. En outre, les allusions aux exploits passés de Conan sont pour le moins surprenantes : non, Conan n’a jamais volé le cœur de l’Éléphant puisque ce n’est en aucun cas un joyau et personne n’en a de toute façon jamais été informé.

Cette adaptation « librement inspirée de » ne fait que souligner les limites actuelles d’une industrie incapable de saisir une essence qu’elle prétendait alimenter. Et puis, parlons un peu en fan, comment pouvait-on croire qu'on allait effacer l'image d'Arnold Schwarzenegger qui a incarné au plus juste Conan, aussi bien que les dessins de Franck Frazetta. Disons que c'était un peu tôt, un peu trop dans l'air du temps, un peu trop « médiocre », un peu trop carton-pâte, un peu trop « ça pourrait être n'importe quel héros », un peu trop pas assez howardien pour n'être autre chose qu'une pâle copie qui ne passera pas l'hiver...


François Verstraete

CONAN LE BARBARE 
un film de Marcus Nispel
d'après l'œuvre quand même beaucoup mieux de Erwin Howard
sortie en salles en août 2011
avec Jason Moma, Rachel Nichols et Stephen Lang

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