"Mythes et idéologies du cinéma américain" par Laurent Aknin

Visite guidée de l’imaginaire du cinéma américain au vingt et unième siècle


Au delà d’un caractère jouissif et populaire, le cinéma dit de genre s’est très souvent inscrit dans une ancre de réflexion sociétale puisant  même son inspiration dans les espoirs et les craintes les plus profonds de ses contemporains. La fulgurance des progrès techniques visuels et la démultiplication des moyens financiers ont permis au septième art d’accoucher ces dernières années de spectacles visuels encore inimaginables il y a vingt ans. Porter ainsi à l’écran les délires les plus fous sortis de l’imaginaire des réalisateurs est désormais possible. Le cinéma de genre en est le plus bel exemple, en particulier le cinéma directement lié à l’imaginaire (science-fiction, horreur, super héros, catastrophe ou encore post peplum). Avec cet essai sur les Mythes et idéologies du cinéma américain, Laurent Aknin nous plonge au cœur de ce cinéma qu’il qualifie lui même de fantasy et de son évolution depuis le début du second millénaire, et plus précisément le cinéma américain.

Psychanalyse des genres

A travers son essai, Laurent Aknin peint avec précision l’évolution d’une partie du cinéma de genre américain depuis le début du siècle. Il s’attarde surtout sur le cinéma lié à l’imaginaire, science-fiction, horreur ou encore super-héros, mais revient également sur les films catastrophe ou les peplums. Il n’hésite d’ailleurs pas à décortiquer précisément chaque genre afin d’affiner un peu plus ses analyses. Ainsi la science-fiction se veut protéiforme et il sépare l’invasion extra-terrestre et le cyberpunk ; mais il se penche aussi sur les nouvelles tendances tel le torture porn ou encore le film de super-héros.
Il s’évertue surtout à retranscrire la portée de chaque œuvre, leurs motivations mais aussi traumas et influences à l’origine, le drame du  11-Septembre en tête. Résultat, il parvient à recouper un ensemble disparate de long-métrage, tour de force risqué au service de genres généralement méprisés par la critique.

Essai transformé ?

Si l’intention d’un tel ouvrage est noble et le travail accompli se révèle par moments fort intéressant, il subsiste beaucoup de lacunes  qui encombrent la lecture au fur et à mesure, à commencer par la construction narrative un peu brouillonne née du foisonnement d’idées mal organisées.
En revanche, on peut noter quelques erreurs et maladresses d’analyse, ainsi The bride de Kill Bill n’est point inspiré du personnage d’Elektra mais bel et bien de La Femme scorpion (film japonais) ; ou encore comment rapprocher V for Vendetta et Watchmen dans leur construction en omettant de préciser que le scénariste d’origine (Alan Moore) est le même…
Par ailleurs, parler du cinéma de l’imaginaire américain sans évoquer la dernière trilogie Star Wars accouche d’une incongruité tant le travail bâclé de George Lucas a démythifié un pilier de ce même cinéma américain.
Qui plus est Laurent Aknin n’insiste pas assez sur les influences orientales (manga, cinéma de Hong Kong) qui ont justement bouleversé les standards hollywoodiens de Matrix à Inception, le sujet méritant fort d’être abordé dans un tel essai. Mais surtout, rassembler autant de genres dans un moule qualifié de fantasy accouche d’un amalgame fantaisiste. Le raccourci n’est plus risqué, il conduit à un malencontreux accident formel .  Enfin, les conclusions quelque peu hâtives clôturant le portrait peuvent laisser perplexes  (porter aux nues Zack Snyder pouvant laisser pantois plus d’un cinéphile...).

Au final, la lecture de cet essai de Laurent Aknin peut plonger le lecteur avisé dans un profond sentiment de gâchis mais paradoxalement donner aussi quelques lumières aux néophytes, en redorant un ensemble de genres plus considéré comme populaires que véritablement artistiques.


François Verstraete


Laurent Aknin, Mythes et idéologies du cinéma américain, Vendémiaire, 190 pages, avril 2012, 20 euros

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1 commentaire

Ouvrage intéressant mais truffé d'erreurs: par exemple, il fait de Danny Glover l'interprète de Seven (il s'agit de Morgan Freeman), etc... décevant pour un ouvrage qui se veut très précis dans son sujet et son argumentation (même si sa définition de la fantasy en laissera coi plus d'un).