Carnets de voyages - Le Ventura c'est l'aventure

Certains livres me touchent plus que d'autres. Ceux de Clelia Ventura, notamment. Parce qu'elle parle d'un acteur que j'ai beaucoup admiré et avec qui j'ai eu le privilège d'être en contact, trop brièvement, hélas. Clelia parle de ce père avec justesse et émotion. Elle s'efforce de nous le faire revivre et le fait plutôt bien. Ce qui ravive d'autant mes souvenirs. Avec une pointe de douleur. Ainsi cette photo de la page 135 : j'étais présent quand elle fut prise (sur le tournage de La 7ème cible) et je crois même que c'est le photographe qui m'accompagnait ce jour-là qui immortalisa ce trio d'amis formés par Ventura, Dabadie et Pinoteau. Rien qu'à la regarder, je me remémore avec précision cette journée où un Lino pas commode jouait avec un Jean Poiret volubile. Le reste du livre fait revenir en moi des films, des anecdotes, des plaisirs.


Les voyages dont il est question dans le titre ne sont pas des contrées lointaines mais des terres difficiles d'accès : celles de l'amitié. Il est beaucoup question d'amis, de copains, et de ce qui, pour Lino, va de pair : le bien manger. Ainsi les anecdotes côtoient les recettes de cuisine, comme dans la vraie vie. Enfin celle de Ventura. Le bougre attachait beaucoup d'importance aux repas, pas seulement pour savourer des mets faits maison mais pour partager un moment de plaisir avec des complices. 


« J'adore manger, disait-il, c'est vrai. Mais l'importance que je donne à la table n'a rien à voir avec un matérialisme comme on l'a parfois laissé entendre. Ce que j'aime, ce qui compte avant tout c'est ce moment de connivence, cette chaleur peu ordinaire qui émane d'un repas partagé avec des amis. C'est un moment de communion, de convia lité et c'est très beau. »


Les potes sont fidèles au rendez-vous de l'amitié : Audiard, Gabin, Lautner, Dabadie, Pinoteau, Lelouch, Brel, Brassens mais aussi Mireille Darc, Françoise Fabian et d'autres. C'est donc dans un voyage d'une tendre nostalgie que nous entraîne Clelia Ventura agrémenté de plus de 200  photos bien choisies (ah celle de Ventura et Aznavour en bédouins !) et surtout, ce qui est plus touchant, d'une ribambelle de citations tirées d'un recueil où Lino notait les maximes lues ou entendues. Paul Fort y voisine avec Socrate !


Personnellement je m'étonne de certaines absences, dont celle de José Giovanni qui fut un très proche de Lino. Moins flagrantes celles de Belmondo et Delon. 


Mais peut-être apparaîtront-ils dans un opus 2. 


Ce Carnet de voyages se consomme trop vite. Gourmand comme je suis, je l'ai lu quasi d'une traite comme un foutu gamin se vautrant sur un parterre de pâtisserie. Je n'en ai pas eu une indigestion, loin de là. Au contraire, à peine le livre refermé, j'avais envie de crier « Encore ! » Et, pour être très franc, moi qui connais bien le sujet Lino, j'ai été cueilli par des anecdotes inédites. 


Il ne s'agit donc pas du tout d'une biographie mais d'une succession de tableaux avec, de ci de là, un, coup d’œil dans les coulisses de tournages, notamment celui d' Un taxi pour Tobrouk


Lino Ventura a tiré sa révérence il y a vingt-cinq ans et cet album fait naître un immense regret : jamais nous ne pourrons nous asseoir à sa table y goûter ses spaghetti et savourer son humour. Heureusement, grâce à ses films et à sa fille Lino reste un peu là, près de nous. 


En guise d'hommage, une réplique, tirée non pas des Tontons flingueurs mais de La Métamorphose des cloportes : 


« En dix ans, j’ai connu deux étourdis qui ont essayé de le casser, le Grec. On a retrouvé le premier dans le canal de l’Ourcq et le deuxième à la consigne Saint-Lazare dans une malle d’osier. »


Philippe Durant


Clelia Ventura, Lino Ventura - Carnet de voyages, Barnea Productions, novembre 2012, 194 pages, 29,90 € 


Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.