Hernani entre ombre et lumière
Celle qui lui répète inlassablement « Je vous suivrai », quoi qu'il advienne. Don total de soi, amour de femme qui s'aventure dans une course effrénée vers l'abîme. Et pourtant... Hernani n'est-il pas aussi ce Don Juan d'Aragon, l'un des grands d'Espagne ? Un arbre émondé qui cache en son cœur celui d'un homme, plus que celui d'un bandit. Mais trop humain, ce héros romantique — nécessairement enfiévré et maudit — est une âme déchirée entre les aspirations opposées de sa personnalité ambivalente : « Entre aimer et haïr, je suis resté flottant » clame-t-il au vers 386.
Cet « homme de la nuit » « dont l’œil [a] l'éclair du glaive » (v.1920-21) n'est pourtant pas imbu d'une haine héréditaire qu'il chercherait à expier en vengeant la mort de son père, il est ce « proscrit » d'une nature douce et obscure qui « aime les prés, les fleurs, les bois, le chant du rossignol (v.1925).
N'est-il pas fait pour aimer et être aimé de Doña Sol, sa « madone » ?
Ange céleste qui rappelle l'amante mystérieuse du « rêve familier » de Verlaine :
Car
elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas!
cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon
front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l'ignore.
Hernani est « une force qui va […], poussé d'un souffle impétueux, [vers] un destin insensé » (v.994), lui interdisant ainsi tout repos tant la mort le subjugue et lui paraît seule capable de mettre fin à ses tourments et à ses angoisses ; celles du poids de l'irrationnel que tout homme porte en lui.
Le destin nous invite, par là même, à courir le risque de perdre la raison pour regagner au décuple ce qu'on a perdu : l'Amour vrai.
« Devions-nous pas dormir ensemble cette nuit ?
Qu'importe dans quel lit ? » (v.2135)
Hernani, Victor Hugo (1830)
Virginie Trézières
0 commentaire